ON A VU... SUR SCÈNE, A LA TÉLÉ, AU CINÉ

  Sommaire  

 SUR SCÈNE

  MARDI 9 MARS 2024

 AU THÉÂTRE DURANCE À CHATEAU-ARNOUX

  **** AU MAUVAIS ENDROIT AU MAUVAIS MOMENT Comme un cri qui vole vers les anges...

Avec Alice Barraud et Raphaël de Pressigny. Mise en scène Sky de Sela.
Alice, acrobate-voltigeuse est touchée au bras lors des attentats de Paris en novembre 2015. Ce spectacle est le témoignage d’une reconstruction. Accompagnée par Raphäel de Pressigny, musicien du groupe Feu ! Chatterton, et avec une énergie farouche, Alice raconte le chemin pour s’en sortir, reprendre son métier, mais autrement, et faire naître la beauté du chaos. Braver l’émotion, le pathos, défier les larmes, célébrer poétiquement chaque victoire, s’autoriser à rire. Surgir à nouveau dans le présent du monde.
« Au début, pendant un très court instant, quelques petits rires enfouis de collégiennes venues assister au spectacle… peut-être une première pour elles d’ailleurs. Car Alice Barraud est toute de clownerie avec son petit minois de Gavroche, enfant de la balle, poulbot en salopette, pieds nus, fragile, mais toute en muscles sous le tissu. Et puis, très vite, quand le mot attentat a surgi au détour d’une phrase, une gravité certaine s’est faite jour dans le public, et l’attention plus ténue. Car même si on a lu le programme, le résumé sur le flyer, ou entendu quelques infos à la radio sur la pièce, la réalité qu’offre la nudité du théâtre est toute autre. Devant nous, un lit d’hôpital ; de ceux qui nous ont accueillis parfois et dont la télécommande est un vrai poème pour monter, s’incliner ou descendre. Et Alice Barraud va en jouer. Une batterie, une clarinette et des ordinateurs. Fond noir, très noir, idées noires qui hantent l’esprit, insidieusement, via quelques difficultés à se mouvoir avec une perfusion dans le bras droit. Celui qui a reçu une balle… ou pas ? La mémoire part et revient par flashes ! La mémoire de ce 13 novembre 2015, le début du concert des Eagles of death métal, et clac-clac-clac les tirs de kalachnikov, les cris, les pleurs, les gémissements, les portables qui sonnent, l’odeur de la mort, et le silence ! Le Bataclan, Paris, la France, le monde… anéantis. Alice aussi. Mais pas morte ! Et son projet fou, c’est de de pouvoir voltiger dans l’air comme avant. Comme avant, quand elle était voltigeuse, mais avec ce syndrome de stress post-traumatique que connaissent les soldats en Opérations extérieures, et les rescapés de Nice sur la Promenade des Anglais victimes du camion fou.
La route est si longue pour guérir car la voie d’Alice est aérienne. Mais pour s’envoler en musique, elle est suivie par un sacré pilote nommé Raphaël de Pressigny musicien du groupe Feu Chatterton. Ceux qui ont interprété avec talent et émotion « l’Affiche rouge » de Léo Ferré pour l’entrée au Panthéon de Missak et Mélinée Manouchian. Et cette musique-là, pour grimper dans les nuages est un métissage de sons universels et de mix d’électro. Et petit à petit, le lit-cage devient corde d’évasion, Alice devient un serpent de la place Djema-el-fnaa de Marrakech se dressant au son d’une mélopée envoutante, et elle s’envole en tournoyant dans un nuage de plumes blanches, ces plumes d’ange que chantait Claude Nougaro dans son merveilleux album « Plume d’ange ».
Le public du Théâtre Durance, après un court instant de silence dans le noir s’est levé d’un coup, pour applaudir à tout rompre ce moment magique, de guérison, d’émotion, de joie, d’amour… tout ce qu’il faut pour retrouver confiance et vivre peut-être enfin sans peur au ventre. »

Jean-Pierre Tissier


  500 VOIX POUR QUEEN À L’ARENA DE NICE

Les chœurs qu’ils soient sacrés, liturgiques ou profanes ont le don de sublimer les répertoires de toutes sortes et provoquer l’émotion. Il suffit de laisser emporter par le Carmina Burana de Carl Orff ou le Requiem de Verdi et son émouvant Dies irae pour se mettre à vibrer de tout son corps, jusque dans le cœur. Mais arriver à ce résultat tendant à la transcendantalité requiert une mise en place et un travail de préparation de longue haleine, fait de répétitions nombreuses. Surtout quand on s’attaque à Queen qui dépasse largement le domaine du rock pour toucher à l’opéra avec un Freddy Mercury à la fois ténor et baryton, compositeur éclairé de surcroit.
C’est la curiosité qui m’a amené ce vendredi à l’Arena de Nice, pour découvrir le répertoire de Queen de cette façon, dans le cadre de ces « 500 voix pour Queen » imaginé par le producteur David Hardit pour TF1 avec pour solistes des Voix issues de « The Voice » comme Aurélien Vivos vainqueur du concours en 2023 et Jade Maragno soprano de formation avec qui il a interprété un merveilleux « Barcelona ». La chanson folle de l’ouverture des Jeux olympiques de Barcelone en 1992 interprétée par la grande cantatrice Catalane Montserrat Caballé et Freddy Mercury ! L’étonnante et impressionnante Cécilia Pascal (The Voice également) et Charlie, complètent ce plateau composé de main de maître. Loin d’être symphonique, ce concert avec seulement quatre musiciens très talentueux sur scène : Franck Ridacker (batterie), le super guitariste Ben Giunchi qui n’a rien à envier à Bryan May (c’est dire), Théodore Eristoff (clavier) et Bruno Ramos (basse) envoie sacrément du bois. Tout y est carré et pourtant plein de vie grâce aux 500 voix dirigées par Florian Martinet (coordonnateur) et Virginie Klethi (cheffe des chœurs). Vraiment un très grand moment et deux heures de vrai bonheur. Cela donne une sublimation incroyable au répertoire de Queen qui devient sacré, magnifié de la sorte. Pour moi qui apprécie Queen, mais qui suis plus Stones, Doors, Pink Floyd, Ten years after, Animals… j’ai passé un moment auquel je ne m’attendais pas. Chapeau à cet ensemble où tout est « live » !

Et bravo à David Hardit d’avoir imaginé ce spectacle qui a fait se lever le public du Nikaïa de Nice pour la reprise fantastique du « Barcelona » des J.O de 1992. Aurélien Vivos et Jade Maragno ont embué bien des yeux. "

Jean-Pierre Tissier

Ecoutez ça !
[https://youtu.be/wK6mP_0autk ? si=Vlrv7pMKTelnhY57/bleu marine]

 30 NOVEMBRE 2023 À MARSEILLE

  **** MICHEL JONASZ : VIEUX COUP DE BLUES ET NOTES BLEUES ENCHANTÉES AU SILO

« Une des plus belles choses que nous pouvons faire sur Terre, c’est de regarder le ciel la nuit… » nous propose d’entrée Michel Jonasz face à une salle archi-comble qui commence à chanter avant lui aux premières notes caressées sur le piano par Jean-Yves D’Angelo son complice de toujours. Et de confesser dans un sourire qui se fait amical, « Le blues, c’est quand on a besoin de parler à un ami… et vous êtes beaucoup ce soir ! Alors, tu fais un blues, tu chantes et tout de suite ça va mieux. »
Et d’enchainer illico – images constellées et ciel nocturne étoilé à l’appui – par un vibrant C’est la nuit repris en chœur. L’émotion pouvait alors commencer pour près de deux heures non-stop à osciller entre blues & jazz, via quelques rappels sur la vie de Robert Johnson légendaire bluesman des années 30-40 ayant vendu son âme au diable pour jouer comme un dieu… à un « cross road » (carrefour du Delta devenu légendaire), avant d’être assassiné à 27 ans par un mari jaloux, et celle de John Lee Hooker, roi du boogie que certains spectateurs présents au Silo ont pu voir jouer sur scène en Provence au château de l’Emperi à Salon-de-Provence dans les années 80. Mais le répertoire de Michel Jonasz s’il nous entraine dans des chansons agréables et joyeuses est aussi empreint de nostalgie, voire de mélancolie parfois avec des sujets de société terriblement actuels. « Pour les femmes tabassées, que vos larmes éclatées fassent un fleuve qui nous inonde... » évoque-t-il avec gravité, tendresse et compassion. Le temps passe et on s’aperçoit qu’on les connait presque toutes ces chansons venues du cœur avant d‘arriver au bout de la nuit - après un solo de batterie de folie de Manu Katché faisant chanter ses « drums » comme nul autre – à une version enchantée de « Super nana » (1974) les yeux embués, et de découvrir pour certains « Guigui » merveilleuse chanson intime, avec des loups dans la tête qui croisent des troupeaux de crocodiles et des neutrons ou neurones qui jouent des tours ou du tambour… Salle debout et émue, rappel, re-rappel avec « La Boite de jazz » endiablée à souhait, flamboyante des trois cuivres (Michel gaucher, Eric Mula et Pierre d’Angelo), souvent en mission à Taratata chez Nagui, et le moment de se quitter avec le bien nommé « J’veux pas qu’tu t’en ailles ». Frisson, larmes aux yeux. Un concert dont on se souviendra longtemps. "

Jean-Pierre Tissier


 21 OCTOBRE, 2023

  À L’ABBAYE DE GANAGOBIE (04)

 LES VOIX ENCHANTÉES DE BOULEGADIS & U CAMINU.

Monter au Prieuré de Ganagobie qui surplombe la Durance comme une vigie spirituelle au cœur des Alpes-de-Haute-Provence est toujours un moment empreint d’émotion. Comme si l’on montait vers le ciel et que l’on s’en rapprochait à chaque lacet du chemin, de plus en plus serré et pentu, dès lors que l’on touche presque au Plateau. Altitude : 650 mètres !
C’est là que depuis 1992, les vieux murs du Prieuré de Ganagobie créé en l’an 960 par l’évêque de Sisteron ont été redressés et que les bénédictins de Hautecombe y sont venus pour mener une vie monastique dans l’esprit de saint Benoît et de Dom Guéranger. Ils vivent là leur foi dans ce monastère d’une grande beauté austère où - même si les frères pratiquent le chant grégorien - les concerts n’y sont pas légion.
Le regretté Père-Abbé Michel Pascal co-auteur du livre « A quoi servent les moines » avec Richard Wright, venus tous deux participer au festival Blues & Polar consacré à « L’amour fou » m’avait accordé le privilège d’une visite merveilleuse pour la sortie de son livre en 2011. Et je garde un souvenir ému de ce moment comme chaque fois que je reviens en ce lieu béni. Et je ne suis pas le seul puisque très rapidement ce samedi la chapelle du prieuré s’est avérée bien trop petite pour accueillir toutes celles et ceux qui voulaient écouter les Caminu (4 voix d’hommes).
C’est devant près de 200 personnes bien tassées, que le groupe Boulegadis dirigé par Thierry Cristoforo a emmené le public vers des contrées imaginaires, sereines et paisibles habitées de chants occitans, béarnais, corses, italiens… Tous issus de cette Méditerranée où les chants polyphoniques expriment le quotidien et toutes les émotions de la vie, les joies et les peines, tout comme le blues né dans les champs de coton. Un très beau moment de communion avec un public debout pour une belle ovation. Puis U Caminu (4 voix d’hommes) nous a entrainés vers un répertoire inspiré directement de la liturgie catholique romaine. Il ne pouvait en être autrement en ce lieu voué au recueillement et à la prière ; avant de terminer par deux chansons profanes corses - très appréciées – signées I Muvrini et Barbara Fortuna. Puis un chant réunissant les deux groupes repris en chœur par le public qui comptait dans ses rangs de nombreuses voix de qualité. Un long moment de sagesse et de sérénité, à tutoyer les anges en ces temps si dramatiques, si cruels et si mouvementés. Et l’occasion d’aller saluer mon vieil ami, le père-abbé émérite Michel Pascal qui repose dans le petit cimetière de Ganagobie entouré de chênes séculaires et de micocouliers. Chanter à plusieurs voix, c’est comme rassembler le monde !"

Jean-Pierre Tissier


 9 SEPTEMBRE 2023

 SATURDAY BLUES AT THE CHAPEL WITH ALAIN LEADFOOT RIVET

Alain LEADFOOT RIVET qui a enregistré de nombreux titres chez Dixiefrog dont il est un des fondateurs avec Tommy Castro, Roy Rogers, Amos Garrett, Larry Garner, Benoit Blue Boy et autres Patrick Verbeke… avait lancé une invitation amicale à ses potes de longue date la semaine dernière pour un concert inattendu dans la petite chapelle de Villedieu entre Manosque et Oraison, au milieu de la campagne, avec à ses côtés (excusez du peu) James Pace ancien clavier de Tommy Castro avec qui il est allé déjeuner vendredi midi à Meyreuil, et le guitariste Jean-Paul Avellaneda – leader de Mercy, beau-père de James Pace - qui a déjà tapé le bœuf avec Tommy Castro aux States. Eh oui le blues est une affaire de famille et de mecs très souvent. Comme une certaine fraternité qui s’exerce en toute amitié et Alain Rivet qui possède une des plus belles voix du Rythm’n’Blues chantant dans une chapelle comme il l’a déjà fait à Toutes-Aures, cela ne manquait pas de sel… Autant dire que le rappel des troupes a bien fonctionné. La petite chapelle était pleine comme un œuf et nous avons eu droit à un de ces concerts comme on les aime, façon coin du feu comme à la maison, à part que dehors il faisait 32 degrés à Manosque ! Et on se serait cru 30 ans en arrière avec le photographe des concerts Olivier Ménard toujours fidèle au poste, Pascal Privet créateur des Rencontres cinéma de Manosque, Ollivier Gérard génial programmateur originel de « Jazz à Manosque » du temps de Paul personne, Dr Feelgood, Calvin Russell ou autres Amos Garett ou Blues Brothers… Gilles Boncour président d’Eden district Blues et Vincent Michel ancien disquaire manosquin légendaire revenu de San Diégo (USA) pour une vie plus cool aujourd’hui à Mane. Autant dire, le temps où le rap n’existait pas… Et c’est un de ces concerts dont on se souviendra avec toujours cette grosse voix de bluesman qui sait aussi tutoyer les notes plus hautes et douces quand le besoin d’émotion se fait sentir. Car le blues d’Alain Leadfoot Rivet est toujours celui d’une chanson à textes même si parfois à l’instar de Doctor Feelgood, les paroles peuvent être tout simplement celles de réflexions du quotidien, au travail, au pub ou au plumard... Bref, un Blues plutôt mélancolique même si Alain nous a proposé une phrase, genre « Il y aussi des blues heureux… qui ne nous a pas tellement convaincus ». Mais on a aimé ce titre du poète argentin Atahulpa Yupanki mi-blues-mi fado chanté avec force conviction, avant d’enchainer avec une très belle complainte sur les sentiments écrite par le poète-chanteur Jean-Paul Yvar « Je chante pour ne pas pleurer ». Avant de terminer par une note plus optimiste (on a frôlé le shuffle un instant) avec « Sittin on the top of the world » de BB King qu’Alain Rivet a interprété en français sur un de ces CD qui sont de vraies petites pépites à se procurer avec tous les invités prestigieux venus lui amener leur talent par simple amitié.

 7 et 8 SEPTEMBRE 2023

 HENRIK FLEISCHLADER, JEAN-JACQUES MILTEAU, NIKKI & JUL, ET TOMMY CASTRO AU 5e BLUES ROOTS FESTIVAL DE MEYREUIL

Les découvertes ont du bon. Je ne connaissais ni le bluesman allemand Henrik Freischlader, ni (in situ) le festival Blues Roots de Meyreuil, village de l’ancien bassin minier de Gardanne, situé à une heure de route de Manosque, au pied de la Sainte Victoire aixoise. Et tout de suite des similitudes, bien agréables, avec l’esprit convivial de Blues & Polar via des bénévoles d’une gentillesse et d’une disponibilité à toute épreuve. Le tout dans un décor verdoyant au cœur d’une colline et d’un parc municipal voué au blues pendant trois jours. Le band très blues-rock du guitariste allemand HENRIK FREISCHLADER programmé en ouverture a été une raie découverte pour moi avec des accents de guitare lunaires non sans rappeler le regretté Gary Moore. Bel esprit et musique énergique ; la soirée était lancée !
Le grand harmoniciste JEAN-JACQUES MILTEAU entouré de Ron Smyth et Michael Robinson aux voix totalement différentes mais parfaitement complémentaires nous ont offert une véritable communion entre artistes et public. Notamment sur la fin avec une très belle version du légendaire « Stop » de Peter Green et Fleetwood Mac et un impressionnant vocal en harmonie totale et pleine d’émotion sur le merveilleux « Long time comin » de Crosby, Stills, Nash & Young.
LA PHRASE : « N’importe où dans le monde, on attaque une grille de blues… et tout le monde suit ! » Jean-Jacques Milteau au Blues roots festival de Meyreuil.
NICOLE ROCHELLE et JULIEN BRUNETAUD qui incarnent la jeune garde déjà bien expérimentée du jazz et du blues « made in France » sous le patronyme de Nikki & Jules étaient particulièrement ravis d’ouvrir la soirée de vendredi en première partie de Tommy Castro. Et le duo vocal nous a régalés par son jazz entre Broadway et New Orléans avec des envolées de clavier et piano classique de Julien Brunetaud particulièrement savoureuses. Du grand art ! Nikki, elle, sait tout chanter de Joséphine Baker à Aretha Franklin, via Billie Holiday ou Sarah Vaughan… et on se souvient alors qu’elle incarnait Joséphine Baker dans un des derniers spectacles du truculent et merveilleux Jérôme Savary créateur du Grand Magic Circus. Quelle joie aussi de retrouver deux musiciens « sideman » des Alpes-de-Haute-Provence aux côtés de ce duo magique : le contrebassiste ami de Banon (04) Sam Favreau déjà venu à Blues & Polar à ses tout-débuts au mas de la Charbonnière avec le saxophoniste Raphaël Imbert et le Trio Edeil, et le talentueux batteur Cédric Beck de Digne-les-Bains partenaire notamment d’Alain Soler depuis de longues années au sein de l’Atelier des musiques actuelles de Château-Arnoux/Saint-Auban (04).
TOMMY CASTRO très attendu du public français qui l’apprécie beaucoup, nous a gratifiés d’un concert d’une virtuosité époustouflante au point d’en avoir carrément hypnotisé le public de connaisseurs – rarement expansif dans le blues - qui n’a bondi de sa chaise qu’au final, pour une « standing ovation » plus que méritée. Car il y eu au cours de son concert, un très long moment de solos successifs joués avec seulement son batteur Bowen Brown. Un long instant suspendu et irrél, comme une résurrection du regretté Alvin Lee, guitariste extraordinaire de Ten Years after immortalisé à Woodstock avec son légendaire « I’m going home », tellement les accents de Tommy Castro nous transportaient jusque dans les étoiles accrochées au ciel de la Sainte Victoire toute proche. Magique !

Jean-Pierre Tissier



 SAMEDI 26 AOÛT 2023

 OMBRE, TONNERRE ET LUMIÈRES SUR LE 19e FESTIVAL BLUES & POLAR

 RACHELLE PLAS MET LE FEU !

On attendait Rachelle Plas harmoniciste incroyable que Blues & Polar suit depuis plusieurs années et était allé voir en concert il y a plusieurs mois à Marseille au Non-lieu ce petit établissement mi-bistrot mi-théâtre tenu par Nini et François présents samedi soir à Manosque. Mais la pluie a empêché la tenue du concert en extérieur dans le beau théâtre de verdure que nous avions confectionné. Et Saint Pancrace nous a accueillis dans la petite chapelle de Toutes -Aures et ses 130 places assises et autorisées. Très serrés mais heu-reux ! Et le public n’a pas été décu. Très vite l’ambiance a monté d’un cran. Soutenue efficacement par Philippe Hervouët à la guitare sèche, Rachelle a enchainé avec bonheur les titres bluesy et jazzy, donnant libre cours à son incroyable virtuosité, et faisant sonner son Golden Mélody nouvelle version Hohner frappée de son portrait, comme un cor de chasse... Grand moment de bonheur à titre personnel (et de trac) juste avant le final avec l’invitation de Rachelle Plas et Philippe Hervouët à venir croiser le fer à leurs côtés. Et un bœuf de folie qui restera gravé dans ma tête et mon cœur éternellement. La musique est une vraie thérapie. Et le Blues fidèle à son sens du partage.

 IN THE CHAPEL... AVEC LMJ BLUES BAND

Exit La Marque Jaune (marque déposée) place à LMJ Blues band recomposition du groupe des années 90 qui a fait vibrer tout le département avec le Mercy de Jean-Paul Avellaneda. Et comme le temps était toujours à pluie, exit aussi le théâtre de verdure et concert - en acoustique oblige – dans la chapelle pour un répertoire de compositions et de vieux classiques de la formation initiée par Pierre Montels (guitare-chant) et Fabien Chapon (basse). Résultat, un son acoustique varié avec guitare, dobro et même une boite façon Bo Didley qui assurait sacrément. Et un très joli son d’harmonica via l’ami Yves Roux excellent, bien soutenu par le clavier et la batterie électronique. Une belle fin de festival avec malheureusement un public qui n’a pas bravé la pluie. Blues & Polar est un des rares festivals à ne pas avoir annulé. Car nous étions heureux de ne plus avoir peur d’un feu de forêt à Toutes-Aures à cause des branchages secs non ramassés par un voisin du lieu parti en vacances, et que nous voulions fêter ça dans le partage du blues. L’année prochaine ce sera
nos 20 ans !!! Et ça se fête !

J.-P.T


 MERCREDI 23 AOUT 2023

 LE MOMENT PRIVÉ ET SOLIDAIRE DE BLUES & POLAR À ’EPHAD ST ANDRÉ DE MANOSQUE

- Concert Blues-rock-chanson française avec le chanteur-écrivain Pierre Meige & Jean-Pierre Tissier (harmonica) à la Maison Saint André EPHAD de Manosque à 15heures. Un moment musical pour les résidents, leur famille et les soignants dans le salon de Saint André en raison du Plan Bleu canicule. « C’était hier après-midi à Saint André et quelle surprise pour moi de me retrouver avec Pierre Meige, chanteur frérot chevronné face à face avec des papys et mamies résidents de la Maison de retraite Saint André à Manosque et le personnel soignant. 40 degrés à l’extérieur, mais température agréable à l’intérieur. C’était notre volonté de partager une heure avec ces personnes âgées souvent seules, et René Villeneuve animateur charismatique du lieu nous a accueillis avec chaleur et amitié. Le moment était préparé de longue date, mais il pouvait être périlleux pour les rockers que nous sommes face à des mémoires peut-être plus axées sur la variété ancienne que sur la pop ou le blues. Mais la musique du diable comme certains la surnomment a bien des tours dans son sac. Un petit Fernand Sardou plein de poésie méridionale pour débuter, un coup de la Ballade irlandaise de Bourvil version folk pour continuer, puis l’Eau vive de Guy Béart et les premiers accents d’harmonica. Hugues Auffray, Richard Anthony, Françoise Hardy « Tous les garçons et les filles de mon âge » nous aidaient à remonter le temps, et la température montait dans les rangs, reprenant en chœur des refrains des années 60, de Jo Dassin à Gérard Le normand, avant de s’éclater pour de bon sur un vieux John Lee Hooker Hey Hey Hey Hey (version française, il est fort le Meige !!!) repris à tue-tête sur des riffs d’harmo tonitruants extirpés de mon petit Fender à lampe (réplique 1949) dialoguant avec le piano déchainé de Pierre Meige. On a vu des sourires dans les yeux, des refrains repris en chœur, des mains taper la mesure, et en prime le souhait d’une vieille dame toujours très élégante au moment de partir : « Il faudra revenir nous voir ».
Pari tenu madame ! On reviendra ; pour vous et pour nous. Vous nous avez fait chavirer le cœur. »

Blues & Polar


 JEUDI 10 AOÛT 2023

 « MADEMOISELLE ! » EYMA VIREVOLTE EN MODE JAZZ MANOUCHE AU K’FÉ’QUOI.

Elle est venue en 2019 avec la pianiste Perrine Mansuy pour la reprise du festival Blues & Polar, après l’absence de 2018 vécue comme une année sabbatique… Et pour ce festival dédié à nos amis récemment disparus (le chanteur Gilles Dauvergne et le cinéaste-écrivain Philippe Carrese parrain de Blues & Polar) Eyma et Perrine marseillaises amies de Philippe elles-aussi avaient mis toute leur âme dans ce spectacle consacré aux voix du jazz et à l’émotion qu’elles suscitent. C’est une « standing ovation » qui avait salué leur concert où bien des yeux étaient embués devant les portraits de nos deux amis salués par des bougies porteuses d’éternité. - Changement de décor ce samedi dans l’antre devenue Auberge espagnole bienveillante et chaleureuse du K’Fé’Quoi drivé par toute l’équipe du lieu, Bruno Lévy et son épouse pour timoniers du vaisseau depuis tellement longtemps. Et personne ici ne prend une ride malgré le temps qui passe… Car lorsqu’on a le goût et l’envie de transmettre un savoir-faire à la manière des Compagnons du Tour de France, cela aide à vieillir bien. Eyma entourée cette fois d’un bel ensemble contrebasse-guitares nous a embarqués vers ce jazz manouche si cher à Django Reinhardt et Stéphane Grappelli qui part souvent doucement, avant de filer des fourmis dans les jambes et de se lever pour danser un peu. Une nouvelle facette de cette chanteuse généreuse au sourire radieux et qui fait du bien.

Jean-Pierre Tissier


 5 AOÛT 2023

 L’HARMONICISTE JAZZY OLIVIER KER OURIO À CHATEAUNEUF-VAL-SAINT-DONAT (04)

L’ENCHANTEUR MAGNIFIQUE ASSIS SUR LE TOIT DU MONDE Tous pour un ; un pour tous ! Cette maxime chère aux Trois mousquetaires - qui en fait étaient quatre avec D’Artagnan - pourrait s’appliquer à l’harmoniciste jazz Olivier Ker Ourio qui avec un seul harmonica chromatique Hohner peut jouer toute la gamme des notes, en opposition aux harmonicistes blues qui ont besoin - à l’instar de votre serviteur - de douze harmonicas diatoniques de tonalités différentes pour pouvoir jouer l’intégralité de la même gamme. Soit un harmo avec
piston en poche pour douze (notre photo) dans une mallette ! Mais là s’arrête la comparaison, le temps d’une photo amusante à l’issue de son merveilleux concert, avec le seul harmoniciste français catégorie jazz de renommée internationale. Et le public venu en nombre samedi soir à Montfort (04) pour cette première musicale au cœur des vignes du Domaine viticole des Bergeries de Jean-Luc Monteil et Héloïse ne s’y est pas trompé. Un répertoire tout en finesse, porté par un ensemble batterie-clavier-contrebasse avec qui il prépare un album, qui a séduit bien des spectateurs ne connaissant pas cette sonorité bien particulière de l’harmonica chromatique ; hormis ceux qui avaient déjà entendu jouer le regretté harmoniciste belge Toots Thielemans venu jouer à la ferme de Font-Robert à Château-Arnoux, il y a une vingtaine d’années avec les jeunes musiciens du cru, Alain Soler Soler et Patrice Boulesteix pour la naissance de l’Atelier des musiques improvisées. Ou ceux - qui comme moi - ont entendu tout gamin pour la première fois à la radio, grâce à Claude Villers envoyé spécial permanent de France Inter aux Etats-Unis, Stevie Wonder chanter et jouer Fingerstips à l’harmonica sur scène en 1964… avec Marvin Gaye aux percussions ! Fingertips a été la première chanson enregistrée en live à Chicago pour un concert de la Tamla Motown à atteindre la plus haute marche du classement du hit-parade aux Etats-Unis.

Jean-Pierre Tissier


 JEUDI 29 JUIN 2023.

 NUIT MAGIQUE ET ENCHANTÉE SIGNÉE BIJAN & MARYAM CHEMIRANI AU K’FÉ’QUOI À FORCALQUIER

Il y a des moments comme ça. Des instants magiques où le temps se suspend de lui-même. Le concert de Maryam Chemirani, accompagnée par son frère Bijan Chemirani aux percussions et au luth – sous les yeux du patriarche Djamshid Chemirani - et de l’étonnant Julien Stella à l’imposante clarinette basse, nous a fait pénétrer, errer et rêver, comme pour une promenade nocturne dans le désert, vers l’inconnu, pieds dans le sable chaud, tête en l’air à guetter les étoiles filantes. A la voix plurielle de Maryam, saupoudrée des accords lumineux de Bijan, le voyage sur fond de poésies persanes anciennes, mais si proches de notre réalité actuelle, pouvait commencer. Les notes orientales mêlées au son guttural de cette clarinette basse rutilante et noire ressemblant à un cobra de la place Djemaa el fna dressé comme un i, nous ont entrainés sur les terres de Coltrane, Archie Shepp et Sonny Rollins. Et le voyage a duré près de deux heures devant un public aux anges, vibrant, conquis et heureux car cette musique-là, toute de partage et d’échange navigue entre tradition, improvisation et navigation sur les sons, via des réminiscences de blues, teintées de jazz parfois comme ce poème irlandais sur Lord Baker lu par Maryam tout en s’accrochant aux notes d’une mélopée iranienne apaisée, pleine de réflexion. L’esprit des Lumières a éclairé cette si belle soirée. Comme un rayon de lune auréolé de brume dans l’été débutant…

Jean-Pierre Tissier

Maryam et Bijan Chemirani ouvriront le 19e festival Blues & Polar le samedi 26 août à 16h dans la chapelle de Toutes-Aures à Manosque. Le concert sera retransmis à l’extérieur car les places sont limitées à l’intérieur. Un festival entièrement gratuit et d’éducation populaire.

 JEUDI 16 MARS 2023

  *** UN ÉBLOUISSANT QUEEN EXTRAVAGANZA AU SILO A MARSEILLE

Groupe officiel de reprises de Queen, produit par Roger Taylor et Brian May, avec six musiciens - dont quatre chanteurs -sélectionnés par Roger et Brian eux-mêmes, Queen Extravaganza était au Silo le 16 mars à Marseille pour la dernière date de sa tournée en France (11 dates) après avoir sillonné le monde entier. Bien plus rock et moins opéra supershow grandiloquent que les « originaux » Robert Taylor et Brian May avec Adam Lambert en « guest » vus à l’Accor Arena de Paris Bercy l’an dernier, Queen Extravaganza est composé de musiciens anglais, brésilien, canadien… brillantissimes à l’image de l’extraordinaire guitariste Nick Radcliffe, du claviériste Darren Reeves, du bassiste François-Olivier Doyon et du batteur George Farrar. Côté chanteurs : deux vraies et super voix ! Le brésilien Alirio Netto à la tonalité plus rock et proche de Scorpions et le Britannique Gareth Taylor bien plus lyrique. Pas un Tribute en l’occurrence, mais un bel hommage passionné et de très grande qualité.

Jean-Pierre Tissier


 SAMEDI 19 NOVEMBRE 2022

 L’HARMONICA MAGIQUE DE RACHELLE PLAS ENCHANTE LE NON-LIEU A MARSEILLE

Super concert de l’harmoniciste Rachelle Plas et de Philippe Hervouët (son compagnon d’accompagnement et de cœur) samedi soir au Non-Lieu à Marseille où Blues & Polar a fait le déplacement avec une idée estivale pour Blues & Polar 2023 derrière la tête…
Une petite salle comme on les aime, au cœur du Vieux Marseille, tenue depuis dix ans - au 67 rue de La Palud - par Nini Dogskin et François Billard, un couple d’une rare bienveillance aimant les artistes. Et ça, ça se voit tout de suite, et ça fait chaud au cœur !
En première partie, l’harmoniciste aixois Claude Dasse et son complice Yann Gallego à la voix écorchée comme on l’aime, ont préparé le public avec un répertoire blues New Orléans bien agréable que l’on connaissait déjà pour les avoir vus et appréciés à Forcalquier dans nos Alpes-de-Haute-Provence, puis Rachelle Plas a assuré le show avec sa mallette d’harmonicas. Ses jolies Golden Mélody rouges de chez Hohner dont elle est l’ambassadrice dans le monde entier, avec un son d’une qualité très pure rappelant Stevie Wonder. On a pu l’apprécier notamment avec une très belle reprise délicate de la chanson du film Macadam cowboy chantée par Philippe Hervouët, puis sur une impeccable version du titre éponyme Bo Diddley de M. Bo Diddley himself, l’homme à la guitare carrée si étrange, écrit en 1958, et bien sûr, l’universel Sweet home Chicago de Robert Johnson repris en chœur par la salle.
Un concert chaleureux et amusant, empreint de partage, de talent et de convivialité avec de nombreux rappels et un verre de vin blanc du Languedoc au comptoir du fond de salle, à l’ancienne, pour savourer le tout. Sans oublier l’invitation à monter sur scène pour les stagiaires de la master-class de Rachelle Plas qui s’était déroulée en début d’après-midi. Un Non-lieu peut-être ; mais avec beaucoup de personnalité et de fraternité.

Jean-Pierre Tissier


 JEUDI 17 NOVEMBRE 2022

 LE MATISSE ORCHESTRA JAZZE À LA PUISSANCE 8 !

Un concert exceptionnel organisé par le Rotary Club aixois assorti d’une vente de photos aux enchères, réalisée au profit de l’association « Des enfants et des livres » et du projet CEPPIA pour une Fondation de la photographie à Aix-en-Provence, constituée à partir du fond incroyable (2 millions de négatifs !) des 4 générations de photographes de la famille Ely. Le studio aixois créé en 1888, installé depuis 1903 dans l’historique Passage Lagarde doit en effet déménager à l’échéance mars 2023 en raison d’un projet immobilier. La petite salle de la Manufacture était plus que pleine pour ce concert-conférence consacré à Charlie Mingus, l’immense contrebassiste des années d’après-guerre, né en 1922. Un homme en colère tous les jours et qui n’a cessé de dénoncer la ségrégation raciale envers les noirs aux Etats-Unis, les exécutions à la chaise électrique… et la Musique classique interdite aux Noirs ! Ainsi, il n’y aura eu de violoncelle pour Charlie ; lui qui rêvait tellement d’en jouer. Quelle abjection incroyable à vomir… Toute cette histoire sur Charles Mingus a été racontée par le prodigieux conteur qu’est le saxophoniste Laurent Genest, et on ne s’est pas ennuyé une seule seconde à ce concert insolite à plus d’un titre, car de solidarité pour aider l’association « Des Enfants et des livres » et le projet CEPPIA, mais qui coïncidait aussi avec le premier concert du Matisse septet qui pour l’occasion a joué à huit, le répertoire de Mingus, en alliant pédagogie, harmonie et talent. Cependant, l’autre morceau de bravoure de cette soirée aura été la vente aux enchères d’une trentaine de photos du Studio Ely et notamment des clichés réalisés par Jean-Henry Ely et son père, sur la grande époque du jazz à Aix-en-Provence. Parmi ce lot, la photo d’Ella Fitzgerald chantant en 1975 sur la Place des cardeurs devant plusieurs milliers de personnes a été adjugée pour 750€ après une enchère passionnée, à un amoureux du jazz et de la cité du Roy René. Dizzy Gillespie, Dee Dee Bridgewater, Archie Shepp… ont également fait monter les enchères emmenées avec professionnalisme et fantaisie par Me Emmanuelle Hours. Maintenant, on attend de retrouver sur scène cette magnifique formation naissante qu’est le Matisse orchestra (qu’il soit à 7 ou 8) car ces musiciens qui viennent du jazz, mais aussi du classique, ont prouvé qu’ils avaient une véritable identité collective amicale, talentueuse et joyeuse. Du Blues au jazz, la lignée s’est inscrite naturellement - avec ou sans partition - sur du papier à musique ou à cigarette, bien présente dans l’âme de tous ces musiciens qui poursuivent cette mission de faire découvrir ces sons nés dans les champs de coton et les chants du gospel, car il y a encore beaucoup à faire pour apaiser les colères de Charles Mingus.

Jean-Pierre Tissier


Les passionnés de jazz ont pu repartir avec des photos du Studio Ely acquises au cours le la vente aux enchères. Ici Miles Davis photographié par Jean-Henry Ely qui
décroche lui-même son cliché pour le remettre à son nouveau propriétaire particulièrement ravi. D’autres expositions sur la vie culturelle aixoise sont prévues
pour 2023. (Photos J.-P.T)

Jean-Pierre Tissier


 MARDI 8 NOVEMBRE 2022

 LES ENVOUTANTES MÉLOPÉES DE SARAH MAC COY

Déesse du chant qu’elle porte haut et fort, telle une prêtresse chamanique souhaitant exorciser les mauvais sorts d’une vie passée torturée, Sarah Mac Coy nous a transportés, dès son entrée sur scène au théâtre Durance de Château-Arnoux, dans un monde fait de plaintes et de sourires complices, de hauts cris et d’envolées pianistiques, mais aussi de franches rigolades à chaque fois qu’elle saisissait son verre de vin rouge. Il y a assurément un peu de Nina Hagen et de Bjorg dans cette force de la nature qui compose à tour de bras hyper tatoués depuis sa jeunesse dans les pianos-bars de la Nouvelle-Orléans. Mais le blues roots de cette diva aux racines louisianaises s’est transformé aujourd’hui en un blues-pop-électro bien à elle, entourée des deux artistes des machines que sont les géniaux Antoine Kerninon et Jeff Halam. Et cela donne un univers musical planant aux effets lumière fascinants et variés transformant la scène en petite chapelle ou en piste aux étoiles. Chaque chanson est aussi l’occasion de revenir sur ses années passées entre ses ex, ses amours, ses peines et ses joies, mais surtout de nous faire partager ce bric-à-brac qu’elle a dans la tête, dans le cœur… et dans le reste dit-elle en éclatant de rire.
Ainsi « Mama’s song » cette très longue transe intense chantée, hurlée, pleurée... à genoux devant son piano, suppliant sa mère de prier pour elle, en parfaite osmose avec ses musiciens multipliant des sons imaginaires.
Un moment d’une force inouïe qui a soulevé le public du Théâtre Durance comble jusqu’à ses derniers rangs. Il y a comme un pouvoir de résonance très fort, jusque dans notre for intérieur, dans cette voix hors du commun. Sarah Mc Coy nous a subjugués.

Jean-Pierre Tissier


 VENDREDI 28 OCTOBRE 2022

 ÉLASTOCAT TOUT EN SOUPLESSE

Le Trio vauclusien très élastique dans son répertoire musical allant du punk au rock électro, avec des touches rap mais façon MC5 des seventies, d’où son nom de baptême Élastocat, était en concert vendredi soir au Café du cours à Reillanne jamais avare de découverte grâce à Antoine Prohom dénicheur de talents singuliers (photo ci-dessous), patron des lieux. Un style très original avec des textes de poètes américains expliqués en intro. Des textes qui datent parfois, mais sont toujours d’actualité sur le monde actuel et sa destruction de la nature avec de surcroit une rythmique vigoureuse et imaginative soutenue par un clavier vintage à l’ancienne.
Et c’est pour voir ces vieux synthés remarquablement tenus par Léa Lachut que Blues & Polar avait effectué le déplacement. Il faut dire que Léa dans son éclectisme pratique l’accordéon (Eh oui !) depuis ses plus jeunes années et qu’elle joue encore aujourd’hui, autant du musette que du classique ou de la variété. A ses côtés, Stéphane Morice au chant tient la boutique et assure bougrement, tandis que Jean-Michel Bourroux à la batterie est le métronome du trio. Vraiment une très bonne surprise qu’Elastocat qui annonce faire du rock félin. Une qualification que je ne connaissais pas et je n’ai vu ni tigresse, ni puma sur scène... Mais quand le bluesman est conquis il le dit.

Jean-Pierre Tissier


 21 OCTOBRE 2022

 3e BLUES ROCK FESTIVAL A CHATEAURENARD.

 TOMMY CASTRO A ALLUMÉ LE FEU !

Le public était venu pour lui avant tout, car le bluesman américain est plutôt rare en France où il a néanmoins apporté sa contribution à quelques CD enregistrés chez Dixiefrog, mais aussi à quelques titres de l’ami Leadfoot Rivet cofondateur du label, comme Ta petite musique de nuit et Les choses que je f’saisais pour toi parus sur son bel album « Saint Blues » en français avec des invités comme Popa Chubby, Roy Rogers, Amos Garett, et Larry Garner. Sans oublier de saluer au passage l’harmoniciste Benoit Blue Boy et le regretté Patrick Verbecke parti rejoindre le ciel étoilé des constellations éternelles en 2021… Ces mêmes invités que l’on retrouve en partie dans la version américaine du CD baptisée Bluesmaniac et qui déchire grave… Mais Tommy Castro pour moi, ce sont ces deux morceaux d’anthologie composés dans les années 1990 que sont Like an angel et Right as a rain joués à la suite l’un de l’autre – et enregistrés en live – avec le public en feu du légendaire Fillmore de San Francisco, il y a plus de vingt ans. Et c’est encore avec ces vieux succès - plus proches du funk-soul que du blues trad - que le public très tranquille de Chateaurenard a commencé à frémir, finissant par se lever définitivement au 2e rappel via ce morceau « légendaire qu’est « Gimme some lovin » du Spencer Davis group chanté par Stevie Windwood en 1966. Et là, la voix haut perchée et pure de Tommy Castro dans la même tessiture que celle Stevie Windwood a fait merveille, avec toujours ce son de guitare distillé avec facilité et une puissance toute intérieure phénoménale. Pas de démonstration scénique, juste l’essentiel, avec toujours un sourire au coin des lèvres ; ce qui contraste avec certains artistes qui semblent avoir perdu leur « quinzaine » comme on disait jadis. Très belle soirée pour ces retrouvailles en terre de bouvine, après deux ans d’arrêt dus à la pandémie. Et chapeau aux organisateurs de si convivial festival que Blues & Polar découvrait pour la première fois… et surement pas la dernière !

Jean-Pierre Tissier


 “SAME PLAYER SHOOT AGAIN” : DU BLUES QUI REND SOUL…

Avec une voix plutôt « dirty » comme on aime, dans le style de l’ours Balou du Livre de la jungle qui serait apparenté à Garou et Joe Cocker, Vincent Vella a préparé idéalement le public de la salle de l’Etoile de Chateaurenard en première partie de soirée.Un blues teinté de soul qui nous a emporté sur les traces des deux albums de Same player shoot again joués en hommage aux grands guitaristes Albert King et Freddie King, en attendant peut-être BB King dans le futur… Et qui dit King, dit grand guitariste ; et Romain Roussoulière fondateur du groupe en est un assurément. Du grand art avec des touches subtiles pleines de sensibilité comme les King savaient le faire. Avec un clavier excellent, Florian Robin qui apporte une touche quasi électro parfois et cela donne un vrai groupe équilibré et complice où basse et batterie apportent un soutien sans faille comme des travailleurs de l’ombre, essentiels pour l’ensemble.

J.-P.T


 23 SEPTEMBRE 2022

  L’AFRO TRANSE-BLUES DE TCHALÉ

Dernière soirée « pour de vrai cette fois » à la Boutique de la Bière de Christophe à Sainte-Tulle. Car il faut se rendre à l’évidence, l’automne est là et l’été indien s’est fait la belle. C’était l’occasion de découvrir un bluesman béninois résidant désormais à Aix-en-Provence, car comme dans bien des pays d’Afrique, les régimes au pouvoir sont souvent malmenés et la tentative de coup d’état du mois de juin 2020 à Cotonou n’est pas si veille… Dans ces conditions Tchalé passionné de blues s’est exilé en France, et il tourne en petite formation. Avec un bassiste excellent et un batteur (Guy) qui jouait pour la première fois avec eux, Tchalé nous a proposé un blues coloré d’Afrique soul avec des rythmes lancinant et longs qui rappelaient le sax Eddie Harris dans le film « Soul to soul » tourné au Ghana ponctués de réminiscences très James Brown. Il faudra revoir Tchalé dans de meilleures conditions que sur un parking balayé par le mistral, mais il y a beaucoup de promesses avec cette guitare qui fleure bon un blues aux racines africaines… Et à Blues & Polar, on adore les musiques métisses qui permettent aux hommes de bonne volonté de jouer ensemble juste pour le plaisir du partage et de l’émotion. A bientôt sûrement, Tchalé ! »

Jean-Pierre Tissier


 17 SEPTEMBRE 2022

 CALOGEROCK SUBLIME LE THÉÂTRE ANTIQUE

Résolument rock, Calogero samedi soir à Orange balayée par le mistral, pour ce show magnifique donné dans le décor de rêve du vieux théâtre romain. Certainement ce qu’il y a de plus beau en plein air, quand toutes les travées sont bondées et que les téléphonent portables des fans se transforment – sur la demande expresse du maitre de cérémonie – en milliers de lucioles comme tombées de la Voie lactée. Près de 10 000 spectateurs étaient entassées dans cette demi-arène vertigineuse, antre des célèbres Chorégies où le son monte comme porté par ce mur incroyable de 37 m de haut ; fond de scène fascinant pour les siècles des siècles, Amen ! Entouré de musiciens multi-instrumentistes survoltés et talentueux, Calogero nous a renversés avec joie, réflexion, et émotion. Un grand spectacle dans un lieu unique et carrément magique.

Jean-Pierre Tissier


 25 AOUT 2022

 LE SAX SHOW DE DON BILLIEZ « MUCHO CALIENTE ! »

Show chaud pour la dernière soirée de l’été chez Christophe à la Boutique de la Bière à Sainte-Tulle (04). Des années qu’il se démène comme un beau diable, lui le spécialiste « es Queue de charrue, Chimay, Maredsous, Pelforth, Jeanlain, Wambrechies, Duvel, Orval, Geuze lambic… j’en passe et des meilleures ». Et les Bas-Alpins comme les musiciens du cru ou de passage en été peuvent lui
dire merci, car la Culture populaire, c’est aussi ça ; un verre de vin ou de bière, une paëlla dans une assiette en carton ou un morceau de pizza, dans des lieux pas comme les autres, simples, sympas, originaux, comme le Café du cours à Reillanne ou le k’Fé’Quoi à Forcalquier, via Christophe, Antoine ou Bruno. Des lieux axés sur l’amour des musiciens avant tout, leur qualité musicale, et une certaine idée généreuse du spectacle pour le public. En l’occurrence plutôt saltimbanque, ménestrel et troubadour à l’image du saxophoniste Don Billiez qui fait partie de ces porteurs de sons ayant côtoyé les grands comme Nino Ferrer, Alain Bashung, Paul Personne… et les ont accompagnés pendant de nombreuses années. Aujourd’hui, Don Billiez entouré de sa joyeuse bande catalane aux couleurs arc-en-ciel produit une musique sans frontières, colorée, irisée, joyeuse et mélancolique parfois. Et de très haut niveau ! Quel plaisir j’ai eu d’avoir pu jouer avec lui et son groupe de super musiciens, sur un des morceaux de son nouvel album « Plein soleil » que je ne connaissais pas, mais qui reflète tout à fait sa personnalité joviale et pudique à la fois. Ne le ratez pas s’il passe dans votre périmètre culturel. Belle et chaude soirée « caliente »assurée. Chapeau Christophe ! Un mot que les musiciens de rue connaissent bien !

Jean-Pierre Tissier


 13 JUILLET 2022

 QUEEN : KING D’UN SOIR À BERCY !

- Le temps des grands concerts – dont je n’ai jamais vraiment été fan - est revenu pour le plus grand plaisir des festivaliers convaincus. Bonjour la proximité avec 8000 spectateurs au Nikkaïa de Nice - sans masque - pour Scorpions toujours au top, et un Covid léger attrapé en prime ; et celle des 12 000 fans absolus de Queen, le 13 juillet à Paris pour le Rhapsody Tour à Bercy. J’ai sacrifié de bonne grâce au rite, même si les concerts plus intimes dans une église ou un pub auront toujours ma préférence. Mais le Rhapsody Tour de Queen avec Brian May, Roger Taylor et Adam Lambert, c’est un opéra-show à grande échelle, une ambiance grandiose digne de la finale du Superbowl aux USA, entre les Who et Johnny. Une moto qui descend discrètement du plafond pour surgir sur scène et des loges de fond de scène comme au Muppet show, avec des hologrammes de spectateurs plus vrais que nature. Une couronne royale gigantesque qui monte et descend et sert d’écran tout au long du spectacle. Un son d’une qualité incroyable, et trois voix – dont celle de Roger Taylor que j’adore – qui font un tout séduisant. Car sans être un fan absolu de Queen, j’ai découvert que je connaissais néanmoins les ¾ des chansons. Deux heures de show à l’américaine et le spectacle le plus grandiose que j’ai jamais vu en un demi-siècle. Avec Brian May guitariste génial et charismatique pouvant tout jouer, au point que j’ai pensé, à la fin d’un long solo, qu’il allait nous entrainer vers Pink Floyd et David Gilmour. Avec Roger Taylor qui derrière sa batterie envoie du bois façon Phil Collins époque Génésis avec un grain de voix bluesy -dirty comme j’aime… Enfin Adam Lambert, ténor façon couteau suisse, à l’aise partout, chantant tout avec élégance, truculence et – Queen oblige ! – une bonne pincée de kitch. Belle soirée, public aux anges et canicule à la sortie. The show must go on !

Jean-Pierre Tissier


 JUILLET 2022

 LES 3 COMMANDEMENTS DE PATTI SMITH

 POÉSIE, CHANSON…ET CONTESTATION !

Aux Nuits de Fourvière à Lyon, Jean-François Convert journaliste et chroniqueur musical France Culture et France Info – mais également musicien et enseignant de l’histoire de la musique - a assisté à son premier concert de Patti Smith (eh oui !) malgré une longue carrière de spécialiste du rock, du jazz, du blues… Et c’est particulièrement intéressant, car au travers de son article réalisé au fur et à mesure du concert - comme un match de foot en direct - il nous y fait partager son sentiment et fait découvrir le ressenti d’une première fois avec une légende. Waouh ! Très intéressant ! Enfin, en trois clichés - foi de JPT première vie de photographe de Presse à Télémagazine - il a capté toute l’âme de la grande prêtresse punk et poète, qu’est Patti Smith, passionnée de Marseille et d’Antonin Artaud, de la France et de la poésie de Rimbaud et Baudelaire… sans oublier la peinture. Il y a tout ! L’attitude, la sensibilité, la révolte… Les images d’une grande dame des Arts qui a reçu la Légion d’honneur de la main de l’ambassadeur de France aux Etats-Unis, Philippe Etienne le 23 mai dernier, un mois plus tôt jour pour jour.
Cliquez et revivez ce concert pas comme les autres.
https://textes-blog-rock-n-roll.fr/patti-smith-aux-nuits-de-fourviere-lyon-je-taime/
On peut retrouver les chroniques de Jean-François Convert sur https://www.francetvinfo.fr/journaliste/jean-francois-convert Et sur son blog consacré à la musique : https://textes-blog-rock-n-roll.fr//

Photos Jean-Francois Convert Nuits de Fourvière à Lyon le 23 juin 2022

 28 JUIN 2022

 SCORPIONS À NICE : SOLIDARITÉ AVEC L’UKRAINE !

Foule au rendez-vous – dont Blues & Polar – pour ces retrouvailles avec les légendaires Scorpions au Palais Nikaia de Nice. Klaus le chanteur a adressé un émouvant message de soutien à l’Ukraine à travers plusieurs chansons dont « Glory night » » reprise en chœur par les 7 à 8000 spectateurs présents, très émus, quand un drapeau jaune et bleu a surgi comme un étendard porteur de paix et de résistance, juste devant moi… Les années passent, mais Scorpions reste au top alliant générosité et solidarité. Un regard sur le monde qui ne date pas d’hier.

Jean-Pierre Tissier


 30 JANVIER 2022.

 JACK BON & THE BUZZMEN

LES PREMIERS INVITÉS DE DISTRICT BLUES À L’EDEN D’ORAISON DEPUIS DEUX ANS ! Nous l’avions reçu pour notre 16 ème et ultime festival Blues & Polar au Parc de la Rochette à Manosque en 2017. Un concert formidable du bluesman rocker lyonnais Jack Bon pour une soirée d’adieu et un break de deux ans pour Blues & Polar avant de renaître en 2019, via « Les Voix de Toutes-Aures » toujours blues et toujours polar, mais sur le site merveilleux de la chapelle des hauteurs disposant d’un panorama incroyable. Pour Gilles Boncour et sa bande d’Eden District Blues, la musique aura été la même avec deux années de silence à l’Eden, mais pour cause d’effondrement du toit de la vieille salle oraisonnaise, puis le Covid 19 dans la foulée. Autant dire que dimanche, même si tout le monde était heu-reux de se retrouver dans cet antre voué au blues et à l’amitié, il y avait comme un voile de mélancolie dans l’air, à écouter ces morceaux qu’on connait tous, mais assis, masqués et gelés, car il n’y avait pas encore de chauffage ; les gros travaux n’étant pas terminés après un long imbroglio entre structures municipales et communautaires. Mais « On the road again » comme disait Canned Heat…. Jack Bon qui a eu son heure de gloire avec Ganafoul dans les années 70 évolue désormais avec Yves Rotacher (ancien batteur de Ganafoul et pote de toujours), Antoine Piedoz à l’harmonica, et ce dimanche, avec l’excellent bassiste Pierre Garcia qui jouait avec eux pour la première fois. Et l’on a eu droit à tous ces morceaux estampillés des monstres du blues roots venu des racines des champs de coton ou des usines de Chicago que sont Howlin Wolf, Robert Johnson, Chuck Berry, Freddie King... et que l’on retrouve sur leur album « Love, Peace, Rock & Roll ». Spoonfull, Around & around… nous ont remonté un moral plutôt dans les chaussettes depuis deux ans ; mais Eden district blues - comme Blues & Polar - a toujours l’idée de l’éducation populaire en tête et de la fête ; et le blues est une sacrée leçon de fraternité pour ça. Musique de toutes les émotions et du partage, le blues reste la musique des racines, celle qui a donné naissance à toutes les autres.

Jean-Pierre Tissier

 À LA TÉLÉ

  *** MORT D’UN BERGER réalisé par Christian Bonnet.

Avec Anny Duperey, Daphné Girard, Guillaume Arnault, Edouard Montoute, Hélie-Rose Dalmay, Sören Prévost, Pascal Gimenez, Olivier Saladin. Scénariste : Catherine Ramberg.
Le résumé. Dans le massif du Sancy, au cœur de l’Auvergne, Patrick, un berger d’une quarantaine d’années, est victime d’une terrible attaque. Sa mère, Marceline, persuadée qu’il a été tué par des loups, décide de se venger. Mais lorsque l’attaque se révèle être un meurtre, la quête de Marceline prend une tout autre tournure. Qui est donc le prédateur qui lui a enlevé son fils unique ? Le capitaine Durinteau, chargé de l’enquête, tente de comprendre les raisons de cet horrible geste. Qui pouvait donc en vouloir à Patrick au point de le tuer aussi sauvagement ? Quels secrets le berger a-t-il emmené avec lui dans la mort ? Dans la région, la mort de Patrick arrange-t-elle quelqu’un ? Durinteau peine à enquêter à cause de la mère de la victime, qui interfère avec ses investigations.Retour ligne automatique
* Tiré du livre éponyme « Mort d’un berger » de Franz-Olivier Giesbert (parrain historique du festival Blues & Polar de Manosque avec Philippe Carrese (+), René Frégni et Sylvie Giono).
* Disponible jusqu’au 30 juillet 2024 en replay sur FRANCE.TV
https://www.nouveautes-tele.com/223688-mort-d-un-berger-france-3-avec-anny-duperey.html

« Si l’action du roman originel de Franz-Olivier Giesbert se situait dans le parc du Mercantour, l’adaptation diffusée mardi soir sur France 3 n’a quasiment rien perdu au change, tant les paysages vallonnés et ronds de l’Auvergne conviennent à ce polar rural écrit en 2002 alors que FOG habitait à Manosque et qu’il est devenu à ce moment le parrain du festival Blues & Polar à l’issue d’une interview pour La Provence à l’occasion de la sortie de « Mort d’un Berger » chez Gallimard (collection blanche). En effet, en 22 ans le loup n’est désormais plus que dans les paysages alpins et transalpins, mais aussi bien plus haut jusque dans le Berry. Et on a retrouvé dans ce scénario de Catherine Ramberg réalisé avec simplicité par Christian Bonnet la justesse des comportements de celles et ceux qui vivent dans les collines et y sont bien. Mais en campagne haute et solitaire – peut-être plus qu’ailleurs, les amours de jeunesse laissent toujours des traces et parfois des blessures profondes. L’écriture de FOG portée à l’image réussit plutôt bien car les âmes y sont souvent fortes, empreintes d’un certain lyrisme et d’un brin de folie. Dans cet espace verdoyant, mais au cœur de soubresauts amoureux et politiques, ce polar rural fonctionne particulièrement bien grâce à Annie Duperey grand-mère bergère très à l’aise dans sa veste de GI des années 68. Tandis que les autres rôles tenus par des comédiens moins « people » mais efficaces – comme Olivier Saladin fabuleux partenaire de François Morel dans les Deschiens sur Canal + - sont très à l’aise pour jouer autant les bergers que la vox populi ou les femmes blessées. Un bon polar à la Giono, ce qui ne surprend guère chez Franz-Olivier Giesbert grand admirateur du « voyageur immobile », et très agréable à regarder. »

Jean-Pierre Tissier

 AU CINÉMA

  **** UNE VIE de James Hawes avec Anthony Hopkins, Johnny Flyn Helena Bonham Carter. Durée : 1h 49 min. Sorti le 21 février 2024

One Life est un film britannique réalisé par James Hawes sorti ce mercredi 21 février en France. Il s’agit d’une adaptation du livre If It’s Not Impossible…The Life of Sir Nicholas Winton de Barbara Winton revenant sur la vie de son père Nicholas Winton, surnommé le Schindler britannique.
Le résumé. Prague, 1938. Alors que la ville est sur le point de tomber aux mains des nazis, un banquier londonien va tout mettre en œuvre pour sauver des centaines d’enfants promis à une mort certaine dans les camps de concentration. Au péril de sa vie, Nicholas Winton va organiser des convois vers l’Angleterre, où 669 enfants juifs trouveront refuge. Cette histoire vraie, restée méconnue pendant des décennies, est dévoilée au monde entier lorsqu’en 1988, une émission britannique invite Nicholas à témoigner. Celui-ci ne se doute pas que dans le public se trouvent les enfants – désormais adultes – qui ont survécu grâce à lui...

« Il y a des films comme ça d’où l’on ressort totalement atterré de la folie de la Seconde Guerre mondiale enclenchée par des nazis aux ordres du moustachu déchainé, mais aussi fasciné par la bravoure qui a comme irradié certaines personnes non destinées à être des héros, mais qui le sont devenues, comme touchées par le courage, la grâce et une humanité profonde ; au-delà de tous les risques encourus ! On dit souvent « Plus c’est gros, plus ça passe » à propos de certaines situations et événements incroyables réussis, comme passer des frontières en temps de guerre. Et c’est ce que réalise et incarne Anthony Hopkins merveilleux dans son rôle de sauveur d’enfants tchécoslovaques par centaines : 669 exactement ! Face à la sidération de la population tchèque il lui faut réagir. Mais c’est le miracle de la télé et d’un journaliste pugnace et déterminé qui nous amène bien des années plus tard, larmes aux yeux tellement l’émotion est forte, à des retrouvailles d’une force inouïe. Un grand film qui nous permet – dans la période actuelle si trouble – de voir que l’humanisme est un mot à ne jamais oublier. Mon premier Rédacteur en chef à BUT, Guy Champagne ne cessait de nous le répéter à nous très jeunes journalistes, à chaque réunion de rédaction dans les années 70. Et pourtant, BUT ce n’était que du football. Mais un ballon rond en forme de Terre, ça ressemble sacrément à une langue universelle.

Jean-Pierre Tissier

  **** LA TRESSE

de Laetitia Colombani. Sorti le 29 novembre 2023. D’après le livre best-seller aux 5 millions de lecteurs de Laetitia Colombani sorti en 2017 chez Grasset. Avec Kim Raver, Fotini Peluso, Mia Maelzer…
Le résumé. En Inde. Smita est une Intouchable. Elle rêve de voir sa fille échapper à sa condition misérable et entrer à l’école. En Italie. Giulia travaille dans l’atelier de son père. Lorsqu’il est victime d’un accident, elle découvre que l’entreprise familiale est ruinée. Au Canada. Sarah, avocate réputée, va être promue à la tête de son cabinet quand elle apprend qu’elle est malade. Trois vies, trois femmes, trois continents. Trois combats à mener. Si elles ne se connaissent pas, Smita, Giulia et Sarah sont liées sans le savoir par ce qu’elles ont de plus intime et de plus singulier.

« Trois femmes, trois Amazones en gestation qui basculent un jour dans leur propre destin. Et ce qui était une enquête sur la tradition – et le business très lucratif - des cheveux des femmes indiennes, rasés et offerts chaque année dans les temples dédiés à Vishnu (diffusion le 25 octobre 2013 sur France 3 dans Faut pas rêver) pour honorer des prières des pauvres est devenue un livre extraordinaire de Laetitia Colombani (son premier !) dénommé « La Tresse » paru chez Grasset puis en Poche. Mais l’auteure n’a laissé le soin à personne d’adapter sur grand écran ce bijou de littérature devenu un très grand film aujourd’hui. Une gageure tenue dès les premières images et jusqu’à la fin, avec trois parcours aux Antipodes les uns des autres, qui finissent par se mêler via des coups du sort qui nous font traverser l’Inde et ses traditions ancestrales et plus que machistes, le sud de l’Italie très catholique et une entreprise artisanale confectionnant des perruques en vrais cheveux italiens au bord du dépôt de bilan. Pour finir dans un cabinet d’avocat florissant installé dans les buildings de Montréal… avant que le cancer ne frappe la grande avocate brillante, mais proche du burn-out, incarnée superbement par Kim Raver. Et qui dit chimiothérapie dit… perte de cheveux ! c’est là, que La Tresse prend toute sa dimension universelle avec beaucoup d’humanité et de lucidité sur un monde bouffé par les us et coutumes et où le poids des religions est toujours énorme, bien loin de la spiritualité pacifique qu’elles devraient engendrer. Un film superbe empreint d’émotion et qui remet les pieds sur terre à quelques encablures de Noël. Vous serez émus aux larmes, et il n’y a vraiment aucune raison de s’en cacher ! Au final, la boucle est bouclée. La Tresse est tressée ! »

Jean-Pierre Tissier

  *** LA PASSION DE DODIN BOUFFANT

de Tran Anh Hung. Sorti le 8 novembre 2023. Avec Juliette Binoche, Benoit Magimel, le grand chef étoilé Pierre Gagnaire...
Le résumé. Il s’agit de l’adaptation assez libre du roman suisse La Vie et la Passion de Dodin-Bouffant gourmet (1924) de Marcel Rouff. Le film a été présenté en compétition officielle au Festival de Cannes 2023, où il a remporté le Prix de la mise en scène. Il est également sélectionné pour représenter la France pour l’Oscar du meilleur film en langue étrangère en 2024.
Eugénie, cuisinière hors pair, est depuis 20 ans au service du célèbre gastronome Dodin. Au fil du temps, de la pratique de la gastronomie et de l’admiration réciproque est née une relation amoureuse. De cette union naissent des plats tous plus savoureux et délicats les uns que les autres qui vont jusqu’à émerveiller les plus grands de ce monde. Pourtant, Eugénie, avide de liberté, n’a jamais voulu se marier avec Dodin. Ce dernier décide alors de faire quelque chose qu’il n’a encore jamais fait : cuisiner pour elle.
Regardez le film ! https://youtu.be/fkmn47fSSVo?si=XL_Anp5JDsAZPEsV
« Eh bien, n’en déplaise aux grands critiques cinéphiles très « fine bouche » pour l’occasion, du mythique « Masque et la plume » sur France Inter – recadrés néanmoins avec aplomb en fin d’émission par une spectatrice aimant faire la cuisine et recevoir ses amis à la maison – moi aussi, j’ai particulièrement aimé ce film, antichambre de la grande gastronomie à la française !
Car pour celui ou celle, pour qui « la cuisine c’est de l’amour » donné aux autres sur la table, La Passion de Dodin Bouffant est une ode à la joie et aux plaisirs fins de la table. Car il faut aussi en avoir la passion, avoir des connaissances sur la grande tradition culinaire française, et y passer du temps, beaucoup de temps… Ce que ne font surement pas chez eux, les critiques du Masque et la Plume ; vraisemblablement plus habitués des tables de restaurant que du recevoir à la maison. Car comment ne pas saliver et ouvrir des yeux béats d’admiration devant la réalisation d’un vol-au-vent – avec crêtes de coq et ris de veau – versé à l’intérieur d’une grosse brioche dodue. Idem devant un Turbot sauce hollandaise baignant dans le beurre… Ne pas tomber raide à en pleurer quand Eugénie (Juliette Binoche) réalise une omelette norvégienne flambée comme il se doit avec une glace cassate à l’intérieur… Tout comme le pot-au-feu peut-être un peu trop bourgeois sur les bords, avec foie gras de canard, saucisson de Lyon à la pistache, magret, jarret… confectionné par Dodin pour en extraire un consommé offert à Eugénie alors qu’elle est souffrante. Sans oublier les vins de Bordeaux, les grands crus de Bourgogne (Chablis, Chambolle-Musigny, Volnay, Gevrey-Chambertin, Chassagne-Montrachet…) ou les plus poétiques Vins de Loire (Chinon, Saint-Nicolas de Bourgueil, Coteaux du Layon, Vouvray, Valençay…) qui vont faire rêver Outre-Atlantique quand le film y sera projeté. Loin du « navet » négligé par les critiques, il y a différentes manières de prendre du plaisir à voir un film. Et je n’ai pas été le seul à en avoir au vu de la mine épanouie de mes voisines et voisins de salle obscure, tout à la joie d’avoir vu à portée de main les merveilles de l’art culinaire français des Carême, Escoffier et Dodin-Bouffant. Sous l’œil avisé du chef multi-étoilé Pierre Gagnaire. Et avec une sérieuse envie de cuisiner en rentrant ! »

Jean-Pierre Tissier

  *** THE OLD OAK de Ken Loach

Pour Ken Loach, chaque film est une forme de résistance. Chaque image appelle à la solidarité. À 87 ans, le maître britannique (deux fois Palme d’or, Lion d’or, Léopard d’or…) réalise avec sa caméra The Old Oak. L’histoire d’un village toujours ébranlé par la fermeture des mines dans le nord de l’Angleterre, mais obligé d’accueillir des réfugiés syriens. TJ Ballantyne est le propriétaire du « Old Oak », un pub situé dans une petite bourgade du nord de l’Angleterre. Il y sert quotidiennement les mêmes habitués désœuvrés pour qui l’endroit est devenu le dernier lieu où se retrouver. L’arrivée de réfugiés syriens va créer des tensions dans le village. TJ va cependant se lier d’amitié avec Yara, une jeune migrante passionnée par la photographie. Ensemble, ils vont tenter de redonner vie à la communauté locale en développant une cantine pour les plus démunis, quelles que soient leurs origines.
https://youtu.be/kyqE4JrprvE?si=ZH_2mE3Jucraf__f

« Ken Loach possède toujours un regard vif et empreint d’acuité sur le monde, notamment celui du travail et des « pas trop visibles », ces gens de peu souvent sans diplôme qui ont appris « sur le tas » et ont travaillé durant des dizaines d’années parfois au fond d’une mine en Irlande, et qui se retrouvent aujourd’hui – mines fermées - au pub, seul lien social du quartier, pour une pinte (voire plus) de Guiness ou de Murphys. Mais les belles fraternités du fond de la mine ne s’expriment pas toujours si facilement en surface au sein des « taiseux » de naissance et des méfiants qui voient arriver le migrant réfugié pour cause de guerre sale en Syrie avec suspicion. C’est là que Ken Loach sait promener sa caméra sur les travers habituels et méchants de l’espèce humaine, mais aussi sur la ressource qu’ont souvent les femmes de tous les pays du monde - plus que les hommes – d’agir sur le quotidien, habituées qu’elles sont à faire la grande partie du travail ménager… mais aussi la cuisine capable de rapprocher les peuples au-delà des religions et des coutumes traditionnelles qui sont toujours très présentes dans de nombreux pays du Proche et Moyen Orient. L’arrivée de réfugiés Syriens majoritairement des femmes – dans ce village du nord de l’Angleterre – est l’occasion de mesquineries et de méchancetés gratuites et ignobles aussi, mais quelques scènes comme la découverte de l’abbaye anglicane par la jeune syrienne passionnée de photographie est un moment unique tout comme la mobilisation du village pour soutenir une famille syrienne endeuillée. Il aura fallu, du temps, de la patience, mais aussi – et avant tout ! – des gestes pour faire émerger la fraternité essentielle à tous les peuples. Un très beau film empreint d’émotion et qui fait du bien ! »

Jean-Pierre Tissier

  **** SECOND TOUR d’Albert Dupontel

Sorti le 25 octobre 2023. Avec Cécile de France, Albert Dupontel, Nicolas Marié, Uri Gavriel…Le résumé. Journaliste politique en disgrâce placée à la rubrique football, Mlle Pove (Cécile de France) est sollicitée pour suivre l’entre-deux tours de la campagne présidentielle. Le favori est Pierre-Henry Mercier, (Albert Dupontel) héritier d’une puissante famille française et novice en politique. Troublée par ce candidat qu’elle a connu moins lisse jadis, Mlle Pove se lance dans une enquête étonnante et pleine d’imprévus…

« Assister à un film d’Albert Dupontel dont on connait le caractère totalement déjanté, malicieux et jubilatoire, le 25 octobre jour de la sortie officielle - et de mon anniversaire – avec au beau milieu du film, juste devant moi, un spectateur qui fait un impressionnant malaise vagal à la vue d’une transfusion sanguine particulièrement sanguinolente, il y a de quoi soupçonner un effet choc style « caméra cachée » à la Dupontel… au CGR de Manosque ! Que nenni ! Après 20 minutes à scruter le retour du teint rosé initial du cinéphile requinqué, il était temps de se replonger dans la suite de ladite transfusion. Un embarquement au cœur d’une campagne électorale à couteaux tirés (sans jeu de mots) avec le très cher et chic candidat Pierre-Henry Mercier hyper couvé par sa mère mais épié avec pugnacité par le duo Cécile de France et son génial caméraman Nicolas Marié qui ont senti comme une entourloupe dans cette candidature tombée comme un cheveu sur la soupe. Et c’est là tout le génie d’Albert Dupontel de nous entrainer à sa manière, faisant de nous des équilibristes marchant sur un fil tendu entre politique à l’ancienne plutôt rude et explosive façon Charles Pasqua et une poésie savoureuse et touchante oscillant entre Jacques Tati et le mime Marceau, sous l’œil d’un Charlie Chaplin satisfait de son élève. Un film qu’on a envie d’aller revoir tout de suite, car voir un Dupontel est toujours l’occasion de sortir hors des sentiers battus via un humour cinglant qui faire rire et grincer. Un vrai bonheur ! »

Jean-Pierre Tissier

  *** UNE ANNÉE DIFFICILE

d’Éric Toledano et Olivier Nakache. Avec Noémie Merlant, Pio Marmaï et Jonathan Cohen, Mathieu Amalric…
Le résumé. Albert et Bruno sont surendettés et en bout de course. Mais c’est dans le chemin associatif qu’ils vont emprunter ensemble qu’ils croisent des jeunes militants écolos. Plus attirés par la bière et les chips gratuites que par leurs arguments, ils vont néanmoins peu à peu intégrer le mouvement sans trop de conviction… avant de s’y impliquer, mais à leur manière. « Celles et ceux, qui comme moi ont vécu mai 68 à Paris, avec la fougue et l’enthousiasme de nos 18-20 ans, sans avoir jamais lancé de pavés pour autant, ressortent de ce film avec une bonne dose de nostalgie, tant le duo Toledano-Nakache replace l’atmosphère libertaire de cette période soixante-huitarde dans la mobilisation actuelle des jeunes pour lutter contre le réchauffement climatique et sauvegarder la planète. Avec l’histoire de deux « bras cassés » flamboyants (Pio Marmaï et Jonathan Cohen) bien trop pudiques pour exprimer leurs désillusions respectives, et pas mal d’humour pour remplacer les pavés, on passe deux heures plutôt plaisantes en suivant des personnages attachants dans leur combat écolo. Et quand on se dit que ça va dérouler tranquille ; on sursaute car tout est remis en question. Mais chut ! Noémie Merlant - étoile montante du cinéma français - est très vraie dans son rôle de bourgeoise à particule du XVIe menant la danse révolutionnaire et Mathieu Amalric très touchant comme toujours. En adjoignant à cette « Année difficile » une bande son incroyable et particulièrement géniale, très inspirée des seventies » avec notamment le merveilleux Little wing de Jimi Hendrix, le plus beau blues que je connaisse, c’est un beau moment de liberté qui s’affiche au générique. »

Jean-Pierre Tissier

  **** LE RÈGNE ANIMAL de Thomas Caillet et Pauline Munier.

(2h 08). Avec Romain Duris, Paul Kircher, Adèle Archopouos… Le résumé. Dans un monde en proie à une vague de mutations qui transforment peu à peu certains humains en animaux, François fait tout pour sauver sa femme, touchée par ce phénomène mystérieux. Alors que la région se peuple de créatures d’un nouveau genre, il embarque Émile, leur fils de 16 ans, dans une quête qui bouleversera à jamais leur existence.
« Rêve ou réalité, impulsion soudaine ou crédulité, magie ou lucidité ? Tel un livre qu’on feuillette page à page, au rythme d’un thriller haletant dont la lecture et la vision sur l’écran se déroulent en simultané, Le Règne animal nous offre l’occasion d’une originalité visuelle qui m’était encore inconnue à ce jour. Car si tous les films racontent une histoire, celui de Thomas Caillet conte lui, une histoire fantastique et extra-ordinaire entre L’histoire sans fin (1984) et le polar dramatique qu’est toujours Dupont la joie (1975). Le tout souligné par des traits d’humour finement ciselés dans les dialogues entre Romain Duris (le père), Paul Kircher (le fils) et Adèle exarchopoulos (adjudant de Gendarmerie). Et sans tomber dans le piège des séries TV qui à chaque fois ou presque, nous calent une liaison amoureuse entre la gendarme ou la juge et le père de famille en cavale et aux abois… Bref un film formidable qu’il faut aller voir pour rêver un peu en cette période noire et si trouble. Car il nous interroge sur notre rapport à la différence, à la tolérance, et à la liberté.

Jean-Pierre Tissier

  **** CONTRETEMPS de Juan Diego Botto. (Thriller)

Sorti le 5 juillet 2023. Durée : 1h 43min. Avec Penélope Cruz, Luis Tosar, Christian Checa…
Le résumé. Avocat aux fortes convictions sociales, Rafa a jusqu’à minuit pour retrouver la mère d’une fillette laissée seule dans un logement insalubre. A défaut, la police placera la petite en foyer. Dans sa course contre la montre, Rafa croise la route d’Azucena, une femme injustement menacée d’expulsion, et qui pour s’en sortir, tente de provoquer une révolte citoyenne. Alors que les heures défilent implacablement pour ces deux âmes en lutte, Madrid devient le lieu de toutes les colères...
« Dans l’art de faire bouillir la marmite simplement en la laissant au soleil, tant il accumule les retards, les imprévus à la pelle, les catastrophes et même les réactions folles en raison d’un emploi du temps hypertendu où tout se cumule au même moment, Luis Tosar campe là, un avocat qui agit comme un mix de Don Quichotte et de l’abbé Pierre et se bat contre des moulins à vent avec une détermination et une insistance qui énervent à s’en ranger les ongles à sang. C’est tout l’art du thriller de Juan Diego Botto porté à bout de bras par ces deux comédiens hors-pair que sont Pénélope Cruz et Luis Tosar. Filmé comme un documentaire avec une image ayant du grain comme un film à l’épaule de Jean-Rouch, A contretemps nous entraine dans le monde des travailleuses silencieuses de la nuit, comme l’avait traité Robert Guédiguian dans Gloria mundi et des mecs de toutes les couleurs, sans-papiers, sans boulot, sans rien, juste la rue, mais avec des enfants qui risquent de l’être. On suit ce film comme un contre-la-montre sur la Vuelta entre le vide et la mort. Avec des silences qui font grimper le suspense du dénouement. Il faut vraiment dire Je t’aime aux gens, surtout du temps de leur vivant… En se disant que tout ça, le dénuement, les heures de travail sous-payées, les longs transports, les rapports humains détériorés, puis au final l’expulsion si violente d’un logement même avec un enfant, sont des moments sans pitié à s’en déchirer le cœur. Et c’est souvent que qui arrive ! Allez voir ce film. https://youtu.be/3d5EqqLHkN4

Jean-Pierre Tissier

  *** LES ALGUES VERTES de Pierre Jolivet.

Sorti le 12 juillet 2023. Le résumé. Ce thriller dramatique franco-belge est adapté de la bande dessinée Algues vertes, l’histoire interdite, d’Inès Léraud et Pierre Van Hove publiée en 2019. À la suite de morts suspectes, Inès Léraud, jeune journaliste, décide de s’installer en Bretagne pour enquêter sur le phénomène des algues vertes. À travers ses rencontres, elle découvre la fabrique du silence qui entoure ce désastre écologique et social. Face aux pressions, parviendra-t-elle à faire triompher la vérité ?
« Pur hasard ? On dit qu’il n’y a que des rencontres ! Avant le frère Marc Jolivet (comédien écrivain écologiste auteur de Tueur hors-série invité du 19e festival Blues & polar le 26 août) c’est l’autre frérot, cinéaste social et écologiste de longue date, Pierre Jolivet que j’ai découvert via son dernier film « Les Algues vertes » tiré d’une histoire vraie qui terrorise le milieu agro-alimentaire breton de longue date ; si taiseux et vindicatif à la fois. Non pas un documentaire, mais une vraie belle fiction de cinéma qui permet de lever le voile et l’omerta sur ce fléau que j’ai personnellement découvert il y a une dizaine d’années, un beau soir dans la proche et splendide baie de Saint-Brieuc, avec des bancs entiers de bars se faufilant au milieu de ces algues vertes à la marée descendante et qui semblaient avoir la danse de Saint Guy comme dans une sarabande folle, sautant au-dessus de la mer comme un hippie de Woodstock sous acide. Hydrogène sulfuré supposé en l’occurrence, et confirmé depuis !
« Céline Salette est éblouissante de vérité dans ce rôle de journaliste pigiste (donc précaire aujourd’hui) travaillant pour une petite radio indépendante, à la façon pugnace d’une Elise Lucet de campagne, mais au sein d’une Presse régionale libre certes... mais qui ne peut pas tout dire. Proximité et pressions diverses des annonceurs obligent ! Une histoire vraie ponctuée de morts suspectes, mais dont les preuves sont effacées chaque fois (on se croirait dans l’Affaire Robert Boulin) broyées par les connivences politiques et le système agricole breton mis en place à la fin de la Seconde Guerre mondiale basé avant tout sur la quantité de bêtes en élevage (des millions de porcs et de poulets sans compter le lait) avec - en filigrane – l’astronomique quantité de fientes et de lisier qui en découle jusque dans les rivières… et la mer au final ! Tout le monde le sait ; mais ici on travaille à l’américaine avec de grosses coopératives, en étant payé comme un Smicard avec un taux de suicides élevé en raison du surendettement de nombreux agriculteurs auprès des banques. Pressions, menaces physiques et verbales, tous les autres rôles du film de Pierre Jolivet (Nina Meurisse, Julie Ferrier, Pasquale d’Inca, Jonathan Lambert…) sont d’une grande justesse et permettent de continuer le vrai débat jusqu’à la preuve ultime et inattaquable qui – heureusement et malheureusement - viendra bien un jour après une catastrophe. Il sera peut-être déjà trop tard. »

Jean-Pierre Tissier

  *** « INVINCIBLE ÉTÉ » de Stéphanie Pillonca.

(Documentaire). Sorti le 31 mai 2023. Le synopsis. Imaginez une mauvaise nouvelle. Le genre de nouvelle qui remet tout en cause. C’est ce qui est arrivé à Olivier Goy un matin de décembre 2020. En une phrase, le diagnostic tombe : Maladie de Charcot ! Il ne lui reste probablement plus que trois ans à vivre et aucun traitement. Mais Olivier a décidé d’ignorer ce compte à rebours. Il compte bien vivre à fond et profiter de chaque seconde.
« Si tu ne veux pas voir la mort, tu ne pourras pas rester en vie ». Cette phrase lumineuse du rabbin et écrivaine Delphine Horvilleur prononcée dans un face-à-face intense, au cœur d’une salle de la Grande Bibliothèque de France, résume parfaitement le combat en forme de « Carpe Diem » qu’Olivier Goy mène contre la maladie de Charcot, destructrice du corps - mais pas de l’esprit - sur celles et ceux qu’elle touche. Vieil ami de Blues & Polar, le chanteur manosquin Paulo Mondano (alias Marcel Crado dans les années 80 et de ma même maison de disques que Bashung) en a été victime, il y a quelques années après un long combat de près de cinq ans pendant lesquels il avait souhaité médiatiser cette maladie qui touche aujourd’hui 1200 personnes en France. Récent invité de l’émission C’à vous sur France 5 où il était déjà venu quelques semaines auparavant, pour interpeller le président de la République Emmanuel Macron sur l’importance de faire connaitre et soigner cette maladie encore sans traitement, Olivier Goy brillant photographe et super communicant apparait comme un phare tout au long de ce documentaire filmé avec pudeur par Stéphanie Pillonca. 1 h 46 mn de vie quotidienne qui se déroulent avec émotion mais sans pathos, avec des temps forts en famille, mais aussi avec Matthieu Ricard le moine bouddhiste, Malika Ménard Miss France 2010 dont le père est atteint de la même maladie qu’Olivier, et Axel Alletu ancien vice-champion du monde français de moto-cross aux jambes brisées, mais récent vainqueur du Paris-Dakar 2020 en buggy dans une catégorie de 120 concurrents…. où il était le seul handicapé ! Un film en forme de leçon de vie qui malgré l’issue inexorable (aujourd’hui Olivier ne peut plus parler qu’au travers d’un ordinateur) nous laisse admiratif devant son courage, et exige que la recherche puisse avoir les moyens de se pencher sur cette maladie implacable.

Jean-Pierre Tissier

  **** JE VERRAI TOUJOURS VOS VISAGES de Jeanne Henry.

(1h 58). Avec Leïla Bekhti, Elodie Bouchez, Gilles Lellouche, Miou-Miou, Fred Testot, Denis Podalydès, Jean-Pierre Darroussin, Adèle Archopoulos, Suliane Brahim, Dali Benssalah, Birame Ba.
Le résumé. Depuis 2014, en France, la Justice Restaurative propose à des personnes victimes et auteurs d’infraction de dialoguer dans des dispositifs sécurisés, encadrés par des professionnels et des bénévoles comme Judith, Fanny ou Michel. Nassim, Issa, et Thomas, condamnés pour vols avec violence, Grégoire, Nawelle et Sabine, victimes de homejacking, de braquages et de vol à l’arraché, mais aussi Chloé, victime de viols incestueux, s’engagent tous dans des mesures de Justice Restaurative. Sur leur parcours, il y a de la colère et de l’espoir, des silences et des mots, des alliances et des déchirements, des prises de conscience et de la confiance retrouvée… Et au bout du chemin, parfois, la réparation...

« Pour Bues & Polar qui depuis vingt ans s’est toujours penché sur le crime, l’enquête, l’arrestation, le procès, la punition, la prison et la rédemption - présente ou absente à l’arrivée – afin d’essayer de comprendre et expliquer la société actuelle, ce film de Jeanne Henry sur la Justice dite restaurative a déjà le mérite de faire connaitre cette qualification puisque tous les correcteurs de mots, le transforme aussitôt en restauratrice ! Mais on n’est ni dans une auberge ou dans une restauration de d’œuvre d’art.
La justice restaurative comme le définit le ministère de la Justice est un processus par lequel la victime d’une infraction, un auteur ou toute personne concernée par celle-ci, échangent avec l’aide d’un tiers indépendant, impartial et formé, sur les conséquences de l’infraction, et les traumatismes en résultant.
Et tout l’intérêt de ce film qui n’est pas un documentaire, mais une vraie proposition de cinéma, nous entraine dans un univers qu’on ne soupçonne pas, si on n’a jamais été agressé au moins une fois dans sa vie. Et le fait d’avoir un casting de rêve pour le jouer n’enjolive pas forcément le processus. Certes, on n’est pas avec Raymond Depardon qui avec son regard de photographe patient montre tout un vrai procès et les audiences, sans fioriture, et avec vérité. Mais là, Jeanne Henry pose son regard curieux et bienveillant sur la tragédie arrivée à Adèle Archopoulos (viol incestueux par son frère), Miou-Miou (agression violente pour un sac à l’arraché) Leïla Bekhti (braqué dans un supermarché) et Gilles Lellouche (braqué avec sa famille) ; et elle nous embarque dans une tentative de compréhension et d’explication du geste. Cependant tous ces grands comédiens et comédiennes se fondent dans leur personnage, comme si c’était nous. Et ils savent se fondre dans l’ordinaire parce qu’ils en viennent. Ils - et elles - parlent avec leur cœur, leurs tripes quand ça les remue face à un « branleur » qui n’a toujours pas compris la souffrance endurée. Et cela permet certainement une compréhension facilitée au plus grand nombre. On suit ce film avec une grande attention en se disant « Et si c’était moi ? » en s’imaginant autant coupable que victime. Mais on voit néanmoins tous les efforts que déploient les étincelants et si modestes Elodie Bouchez, Suliane Brahim et Jean-Pierre Darroussin pour incarner ces personnes formées comme des professionnels à l’écoute des autres et tout ce que cela nécessite de calme, d’intensité dans les propos parfois, d’attente pour répondre quand il faut… alors qu’on aurait envie parfois de ruer sérieusement dans les brancards et d’aller balancer une taloche au type d’en face. Je verrai toujours vos visages est un film beau, utile et intense de près de deux heures qui aurait sa place dans bien des collèges et lycées. Car ces situations n’arrivent pas qu’aux autres. Nous sommes tous concernés, et nous pouvons tous l’être un jour. Un film d’utilité publique !"

Jean-Pierre Tissier


  *** SUR LES CHEMINS NOIRS de Denis Imbert

Avec Jean Dujardin, Izia Higelin, Anny Duperey… Sorti le 22 mars 2023.
Le résumé. Librement inspiré de Sur les chemins noirs de Sylvain Tesson (2016). Un soir d’ivresse, Pierre, écrivain explorateur, fait une chute de plusieurs étages. Cet accident le plonge dans un coma profond. Sur son lit d’hôpital, revenu à la vie, il se fait la promesse de traverser la France à pied du Mercantour au Cotentin. Un voyage unique et hors du temps à la rencontre de l’hyper-ruralité, de la beauté de la France et de la renaissance de soi.
« Des paysages à couper le souffle et que l’on connait évidemment lorsqu’on habite et que l’on a parcouru pendant de longues années les Alpes-de-Haute-Provence, mais qui trouvent là - depuis l’avènement des drones - des points de vue rarement proposés comme la falaise abrupte de La Palud-sur-Verdon que le regretté Patrick Edlinger grimpait à mains nues pour Hushaïa avec Nicolas Hulot. Voilà la route buissonnière que Jean Dujardin, dans les habits et sur les pas de Sylvain Tesson, endosse pour traverser la France sur ses Chemins noirs, ceux qui ne sont indiqués que sur les cartes IGP destinées aux randonneurs chevronnés délaissant GPS sur smartphone. Une histoire vraie arrivée à Sylvain Tesson à la suite d’une chute dramatique un soir de beuverie entre amis, et que Jean Dujardin interprète avec sobriété nous entrainant dans ce périple que tout le monde aimerait faire un jour. Mais 1300 km à pied de la vallée de la Roya au-dessus de Nice jusqu’au Mont saint-Michel, c’est une aventure lumineuse qu’a vraiment réalisé l’écrivain et que « the Artist » nous fait vivre au rythme d’un marcheur en quête de rédemption. Un film solaire qui fait du bien car on n’y croise que peu de gens, mais souvent de belles personnes. Et cette France méconnue mérite bien qu’on la découvre. Belle, sauvage et poétique à la fois. »

Jean-Pierre Tissier


  *** THE WHALE de Darren Aronofsky

The Whale, ou La Baleine au Québec, est un drame américain sorti en 2022. Il s’agit de l’adaptation de la pièce de théâtre éponyme de Samuel D. Hunter créée en 2012. Le film a été présenté en avant-première à la Mostra de Venise 2022 en sélection officielle. Le résumé. Charlie, homme d’âge mûr faisant 600 livres (272 kilos), essaie de renouer avec sa fille de dix-sept ans. Ils se sont séparés, depuis que le père a abandonné sa famille pour son amant. Depuis la mort de ce dernier, Charlie souffre du syndrome d’hyperphagie incontrôlée en raison de son état dépressif.
- Inévitablement on est tout de suite mal à l’aise avec cet homme au visage poupon devenu une « baleine », affalé dans son vieux canapé au bord de la rupture, sandwichs, sauces multiples, pizzas ou pilons de poulet en main… en train de regarder un film gay très hot sur son ordinateur. En une seule scène – la première du film – on découvre le monde en forme de huis clos dans lequel vit cet homme de 250 kg depuis très longtemps, mais qui a néanmoins connu une autre vie normale auparavant, marié et père d’une petite fille. Et c’est l’arrivée inattendue de cette dernière abandonnée à 8 mois, devenue ado qui nous entraîne dans une succession de moments durs, très cruels parfois, et qui interrogent sacrément. Au-delà de la prouesse technique et physique de transformation de l’acteur Brendan Fraser époustouflant dans ce rôle monumental, on touche, vers la fin, à un ode poétique et lyrique qui apparaît en filigrane au travers des lignes du Moby Dick de Melville traduit en français par Jean Giono et Henri Fluchère avec cette « baleine blanche » allégorique qui finit par se dresser de l’océan en se levant de son fauteuil, immense et en agonie finale. Une image forte d’une émotion inouïe ! »

Jean-Pierre Tissier


  **** TAR de Todd Field

Avec Cate Blanchett Noémie Merlant Nina Hoss… Le résumé. Lydia Tár, cheffe avant-gardiste d’un grand orchestre symphonique allemand, est au sommet de son art et de sa carrière. Le lancement de son livre approche et elle prépare un concerto très attendu de la célèbre Symphonie n° 5 de Gustav Mahler. Mais, en l’espace de quelques semaines, sa vie va se désagréger d’une façon singulièrement actuelle. En émerge un examen virulent des mécanismes du pouvoir, de leur impact et de leur persistance dans notre société. https://youtu.be/1_fR8xB1qVY
La musique au cœur pour son grand Mahler ! - 2h30 à suivre Cate Blanchett dans sa quête d’absolu pour guider et mener à la baguette un orchestre symphonique en tirant le maximum de celui-ci et même au-delà ! En magnifiant ce que les compositeurs ont signifié sur la partition certes, mais Lydia Tár veut aller au-delà dans ce qui n’est pas écrit. Elle veut sonder l’âme du compositeur ! Et c’est tout le problème d’interprétation d’une note donnée et précise dans la partition d’origine pour lui donner un sens et une âme, peut-être au-delà de ce qu’a écrit son compositeur à l’époque. Brillantissime et égocentrée dans son rôle, la cheffe d’orchestre l’est, mais sa vie personnelle (lesbienne assumée et mère d’une petite fille) interfère fortement – par épisodes – sur une carrière qui l’habite jour et nuit… Et il suffira d’un joli grain de sable incarné par une jeune et brillante violoncelliste débarquant inopinément dans l’orchestre pour gripper tout la mécanique. On ne s’ennuie pas une seule seconde dans ce film qui se déroule dans une atmosphère berlinoise cossue, tranquille, et néanmoins agitée par les soubresauts de la vie interne d’un grand orchestre fonctionnant grâce à l’argent du mécénat. La fin est étonnante et jouissive via une remise en question totale de Lydia revenant aux sources universelles de la musique et aux sentiments qu’elle détient dans ses dièses et bémols. Jubilatoire ! »

Jean-Pierre Tissier


  *** LA SYNDICALISTE de Jean-Paul Salomé

(Thriller). Sorti le 1er mars 2023 d’après le livre de Caroline Michel-Aguirre et Fadette Drouard.
Le résumé : La Syndicaliste raconte l’histoire vraie de Maureen Kearney, déléguée CFDT chez Areva, qui, en 2012, est devenue lanceuse d’alerte pour dénoncer un secret d’Etat qui a secoué l’industrie du nucléaire en France. Seule contre tous, elle s’est battue bec et ongles contre les ministres et les industriels pour faire éclater ce scandale et défendre plus de 50 000 emplois jusqu’au jour où elle voit sa vie basculer en étant victime d’une violente agression et d’un viol le 17 décembre 2012. On la découvre à son domicile, ligotée sur une chaise dans sa cave, cagoulée, scarifiée d’un « A » (comme Areva) sur le ventre, un couteau dans le vagin. Elle fut condamnée pour mythomanie… avant d’être réhabilitée par la Cour d’Appel de Versailles.
Isabelle Huppert est magistrale dans ce film qui dévoile une véritable Affaire Areva particulièrement sensible dont a rarement entendu parler et qui ébranle aujourd’hui une filière nucléaire mal en point avec de nombreux réacteurs à l’arrêt et des centrales qui se fissurent comme à Penly. Un film instructif, prenant et poignant qui montre de nombreuses failles dans les interrogatoires menées par certains policiers lorsqu’ils ont une femme face à eux.

Jean-Pierre Tissier


  *** DIVERTIMENTO de Marie-Castille Mention-Scharr.

La réalisatrice Marie-Castille Mention-Schaar est passionnée de musique symphonique. En effet, son père était pianiste et chef d’orchestre et sa grand-mère une grande violoniste. Musique classique et concerts ont ainsi bercé son enfance. Lorsque des producteurs sont venus lul proposer d’adapter au cinéma le parcours incroyable mais authentique de Zahia Ziouani et de sa sœur Fettouma, elle ne pouvait qu’accepter. Tout débute – pour de vrai – en 1995... Les sœurs jumelles ont 17 ans. Zahia Ziouani rêve de devenir cheffe d’orchestre et Fettouma, violoncelliste professionnelle. Bercées depuis leur plus tendre enfance par la musique symphonique classique, elles souhaitent à leur tour la rendre accessible à tous et dans tous les territoires. Mais comment peut-on accomplir ces rêves si ambitieux quand on est une jeune femme, d’origine algérienne et qu’on vient de Seine-Saint-Denis ? Avec détermination, passion, courage et surtout le projet incroyable de créer leur propre orchestre : Divertimento !
« C’est un peu la mode des films menés à la baguette en ce moment avec longs métrages sur des cheffes et des chefs d’orchestre aux parcours très différents. Heureusement ! Ainsi Maestros avec Pierre Arditi et Yvan Attal, puis Tàr cette semaine avec la merveilleuse Cate Blanchett, et ce Divertimento réjouissant dans lequel l’éblouissant Niels Arestrup amène une touche de dureté implacable en prof de musique, mais aussi un regard bienveillant plein d’humanité dissimulée sur la jeune comédienne Oulaya Amamra qui nous émeut aux larmes quand (enfin !) elle reçoit de sa sœur sa baguette de cheffe et dirige un Boléro de Ravel inattendu au beau milieu d’une cité HLM bouleversée. Et quand on sait que l’histoire de cet orchestre plein de sens, est vraie, c’est encore plus fort. On a adoré ! »

Jean-Pierre Tissier


  **** BABYLON de Damien Chazelle

« Fantastique fresque hollywoodienne sur le passage du cinéma muet au parlant au cours des années 20-30, et de la mise au rebut ultra-rapide des stars des débuts comme Gloria Swanson à la voix nasillarde. Et ce ne fut pas la seule ! Ça dure 3 heures et 5 minutes… et on ne s’ennuie pas une seule seconde tant l’action est au rendez-vous de l’histoire avec des scènes dignes d’un Péplum comme Ben Hur ou les Affranchis. Ici, c’est les années sex, drogue et jazz pour le côté rêve, mais aussi cruauté, racisme, violence, mafia pour le revers de la médaille. Grandiose, avec un duo Brad Pitt et l’incroyable Margot Robbie totalement défoncée non*stop en permanence, et qui brûle la vie par les deux bouts. Ca flingue, ça dézingue, ça fornique dans tous les coins, en plein désert, dans un château transformé en lupanar, ce qui nous vaut une scène digne des orgies de Caligula comme « mise en bouche ». Mais c’est sans pitié, et il y a souvent de la cervelle au plafond comme signature de The END. Accents des Doors en prime. Génial !

Jean-Pierre Tissier


  *** COULEURS DE L’INCENDIE de Clovis Cornillac

Avec Benoit Poelvoorde, Léa Drucker, Olivier Gourmet, fanny Ardant, Nils Othenin-Girard… D’après le roman éponyme « Couleurs de l’incendie » de Pierre Lemaître, suite de la saga initiée avec « Au revoir là-haut » adapté par Albert Dupontel.
Le résumé. Février 1927. Après le décès de Marcel Péricourt, sa fille Madeleine doit prendre la tête de l’empire financier dont elle est l’héritière. Mais elle a un fils, Paul, qui d’un geste inattendu et tragique va la placer sur le chemin de la ruine et du déclassement. Face à l’adversité des hommes, à la corruption de son milieu et à l’ambition de son entourage, Madeleine devra mettre tout en œuvre pour survivre et reconstruire sa vie. Tâche d’autant plus difficile dans une France qui observe, impuissante, les premières couleurs de l’incendie qui va ravager l’Europe.

« A croire que les romans de Pierre Lemaitre, Prix Goncourt avec « Au revoir là-haut » – qui a débuté via le Polar - ont vocation à devenir des chefs d’œuvres cinématographiques eux-aussi ; car rarement des adaptations auront été aussi réussies que celles-ci. Pourtant, je me souviens du regretté Pierre Magnan, père du commissaire Laviolette incarné pourtant joliment par Victor Lanoux (avant son AVC) sur France 3, mais qui m’avait confié assis sur les marches du château de Sauvan ne guère gouter aux adaptations de ses romans au ciné et à la télé, hormis « La Maison assassinée » de Gorges Lautner avec Patrick Bruel tourné… au château de Sauvan à Mane, près de Forcalquier, à deux pas de chez lui ! On attendait donc la suite de cette saga avec cette fois Clovis Cornillac derrière… et devant la caméra. Et pas un seul instant, on ne se laisse distraire pendant plus de deux heures. Car il y a des moments forts d’entrée, et cela se poursuit avec une Léa Drucker impeccable dans son statut de « fille de » qui passe allègrement de la grande bourgeoisie aux quartiers populaires ; avec un Olivier Gourmet génial comédien belge que l’on voit de plus en plus dans les belles Séries sur Arte et Netflix, un Benoit Poelvoorde génial dans un rôle à contre-emploi, absolument pas comique… et un Clovis Cornillac qui devient la clé de voûte de l’édifice dans un rôle de taxi-homme à tout faire. L’apparition lumineuse de Fanny Ardant nous offre également un fantastique moment de cinéma lorsque la cantatrice qu’elle incarne, entonne – contre toute attente - au lieu du Wagner prévu, le Chœur des esclaves juifs dans le Aïda de Giuseppe Verdi, à Berlin devant un führer à la tribune totalement pétrifié… Allez vite voir ce très grand film plein d’émotion, empreint de l’Histoire de ce monde qui est toujours malheureusement un éternel recommencement. »

Jean-Pierre Tissier


  *** MAESTRO’S de Bruno Chiche

Avec Pierre Arditi, Yvan Attal, Miou-Miou… Le résumé. Chez les Dumar, on est chefs d’orchestre de père en fils. François (Pierre Arditi) achève une longue et brillante carrière internationale tandis que Denis (Yvan Attal) vient de remporter une énième Victoire de la Musique Classique. Quand François apprend qu’il a été choisi pour diriger la Scala de Milan, son rêve ultime, son graal, il n’en croit pas ses oreilles. D’abord comblé pour son père, Denis déchante vite lorsqu’il découvre qu’en réalité c’est lui qui a été choisi pour aller à Milan…
« Bon sang ! Ça fait du bien ! Voilà la réflexion que se sont faites les personnes avec qui je sortais de la salle de projection. Ne comptez pas sur moi pour vous dire pourquoi et spoiler cet excellent film de Bruno Chiche, fort bien joué, car il y a pas mal de malice, par Pierre Arditi et Yvan Attal. Et ces deux-là s’y connaissent en renards du théâtre et de la mise en scène qu’ils sont. Mais si un quiproquo peut – comme souvent – donner lieu à des catastrophes familiales, ce n’est pas toujours le cas ! Et on suit donc le duo Attal-Arditi avec plaisir, couvé délicatement par une Miou-Miou toujours aussi précieuse dans ses rôles, ponctué de bouderies et de rasades de whisky, et on profite également d’une bande son remarquable avec de très belles voix et des choix musicaux séduisants. Bref un film qui fait du bien, mais on l’a déjà dit ! »

Jean-Pierre Tissier


  *** NOVEMBRE de Cédric Jimenez

Avec Jean Dujardin, Anaïs Demoustier, Sandrine Kimberlain…
Le résumé. Paris, 13 novembre 2015 : les forces de l’ordre apprennent qu’une série d’attentats viennent de viser le Stade de France à Saint-Denis, des terrasses de café dans les 10e et 11e arrondissements de Paris et la salle de concert le Bataclan. Tous les services de police sont monopolisés pour empêcher les terroristes islamistes de sortir de Paris, en vain. Le témoignage d’une jeune musulmane va être la clé pour retrouver les assassins.
« Voilà un film dont on avait bien besoin pour montrer et démontrer ce qu’est vraiment une enquête de police d’envergure inédite, sans rôles surjoués et avec seulement la manière d’agir et réagir à une époque digitale et numérisée à outrance, même pour les barbus poseurs de bombes. Cédric Jimenez réussit pleinement cette mission qui nous entraine dans des sentiments les plus divers face à des personnages qui semblent sortir de l’époque des « Visiteurs », mais qui contrairement à Jean Réno et Christian Clavier ne prêtent pas à rire. Et pourtant ils existent ! Au-delà du réel même, capables de se faire sauter pour un paradis dont on attendra longtemps une carte postale. Cette traque des terroristes, on la suit, on la vit, à un rythme effréné, celui de celles et ceux qui n’ont pas dormi pendant plusieurs jours pour arriver à ceinturer cette maison de Saint-Denis près du périph où étaient retranchés ces fous de Mahomet pour finir en un dénouement cataclysmique. Et on voit que tous les « Ya’ka » et « Faut’kon » seraient bien inspirés de faire un stage avec ces policiers « black, blanc, beur » - mais oui ! - qui travaillent pour protéger et défendre la République. Un film utile pour l’Histoire ! »

Jean-Pierre Tissier


  **** SIMONE Le voyage du siècle de Olivier Dahan

avec Elsa Zylberstein, Rebecca Murder et Elodie Bouchez.
Le résumé. Le destin de Simone Veil, son enfance, ses combats politiques, ses tragédies. Le portrait épique et intime d’une femme au parcours hors du commun qui a bousculé son époque en défendant un message humaniste toujours d’une brûlante actualité.
« Bien plus qu’un simple film, cette œuvre d’Olivier Dahan a une fonction historique, politique et mémorielle. Et ce voyage de 2h 15 sans répit, entre récit et flash-backs sur la déportation à Auschwitz, ne peut, ne doit, et ne devrait laisser personne indifférent. Car ils sont nombreux dans les adultes actuels nés du baby-boom, à ne pas savoir grand-chose sur leur famille envoyée dans les camps nazis parce que juifs ; tout comme sur les jeunes militaires français fait prisonniers de guerre, capturés tout de suite dans les Ardennes, restés en Allemagne pendant cinq ans pour y travailler dans des conditions indécentes et impitoyables que seul le dessinateur Jacques Tardi revenu sur les pas de son père, est parvenu à reconstituer. Eclairant ainsi les yeux de bien des septuagénaires... « Car définir la mémoire, dit Simone Veil, c’est la distinguer de l’Histoire ; tout simplement parce que la mémoire a une identité ! » Et c’est cette histoire d’une famille unie, juive mais animée par la laïcité, l’Europe, l’humanité, la dignité et la bienveillance que l’on découvre tout au long de ce film qui - j’espère - sera montré dans les collèges et lycées, avec à l’appui des discussions nécessairement encadrées pour décoder les images très brutales que le voyage en wagons à bestiaux à partir de Drancy et la vue des camps de déportation offrent aux spectateurs.
Mais il n’y aura bientôt plus de Ginette Kolinka et quelques autres survivantes de la déportation pour témoigner en classe de l’horreur nazie. Et il faudra alors faire confiance à l’Histoire, tout simplement ! Ce qui sera bien différent. Cependant, ce film porté de manière totalement habitée par Elsa Zylberstein et remarquablement incarné par Rebbecca Murder pour la jeunesse de Simone Weil, n’est pas que cette période de l’holocauste. On y découvre aussi une Simone Veil au caractère bien trempé qui ne se résume pas au Droit à l’avortement pour les femmes, mais une femme politique ministre du gouvernement qui a œuvré pour les malades du sida et la recherche médicale, qui a transformé les accueils à l’hôpital, visité les prisons en France sous l’œil de directeurs ne l’accueillant pas à bras ouverts, et les femmes prisonnières et torturées par la France en Algérie. Simone Veil était une pionnière des idées modernes qui dérangent, car la laïcité républicaine qu’elle prônait – à l’image d’aujourd’hui – est toujours un mot inconnu, voire interdit pour bon nombre de religieux intégristes du monde entier et plus encore des républiques islamistes et autres dictatures de tous poils de tous les continents. Allez voir ce film, emmenez vos enfants pour leur faire découvrir l’obscurité et l’intimité d’une salle de cinéma, et parlez avec eux ensuite. « Mais pas de politique à table » disait toujours Simone ! »

Jean-Pierre Tissier


  *** SANS FILTRE de Ruben Östlund

« Palme d’Or au Festival de Cannes 2022 ». (Durée : 2h 29 mn). Sorti le 28 septembre 2022. Le résumé. Après la Fashion Week, Carl et Yaya, couple de mannequins et influenceurs, sont invités sur un yacht pour une croisière de luxe. Tandis que l’équipage est aux petits soins avec les vacanciers, le capitaine refuse de sortir de sa cabine alors que le fameux dîner de gala approche. Les événements prennent une tournure inattendue et les rapports de force s’inversent lorsqu’une tempête se lève et met en danger le confort des passagers.

« La comédienne Charlbi Dean Kriek - épatante dans ce rôle d’influenceuse-mannequin - qui incarne Yaya est décédée brutalement le 29 août 2022, à l’âge de 32 ans, des suites d’une maladie pulmonaire soudaine. Un immense voile de tristesse accompagne donc ce film à chaque projection… Ce qui rend cette Palme d’Or un peu particulière pour le spectateur d’autant que 2h 30 même si ça passe très bien, cela occasionne quand même quelques longueurs. On navigue ainsi entre La croisière s’amuse, La noce chez les petits bourgeois de Bertold Brecht et Robinson Crusoé à la faveur d’un jeu de massacre final entre nouveaux amis. Car lorsqu’on n’est pas du même monde, il arrive que la lutte des classes - inimaginable pas de prime abord sur un yacht de luxe - surgisse au moment le plus inattendu entre milliardaires et ex petites mains de la vaisselle, du ménage et de la cuisine. Et on se délecte alors de plusieurs retournements de situation ne manquant pas de sel, en pleine mer. Pour son premier film Ruben Östlund livre une œuvre qui fera date avec une scène dantesque et sans filtre de tempête sur un vaisseau malade de ses occupants ballotés par les vagues jusqu’à les transformer en êtres de vomi et de chairs malades… Au point que le spectateur manquant de vigilance pourrait aussi se laisser aller. A voir vraiment pour en discuter après entre amis. Faites attention aux fruits de mer néanmoins.

Jean-Pierre Tissier


  *** 107 MOTHERS de Peter Kerekes.

(2021). Le résumé. Lyesa, une jeune Ukrainienne, a poignardé son mari après une scène de ménage. Condamnée à sept ans de prison, elle accouche d’un petit garçon alors qu’elle est incarcérée dans une prison d’Odessa, en Ukraine. Ici, les mères peuvent s’occuper de leurs enfants jusqu’à leurs trois ans. Mais à l’approche de cet anniversaire fatidique, Lyesa tente tout pour ne pas être séparée de son fils.
« Avec le contexte actuel de l’Ukraine attaquée, envahie et massacrée par la Russie de Poutine, on regarde ce film avec une attention toute particulière. Car dans cet univers de la prison au féminin où les conditions sont rudes, spartiates et sans confort, il y a néanmoins de la solidarité et de l’amour malgré la crainte du lendemain et du temps qui s’étire. En effet, ce film du cinéaste slovaque primé à la Mostra de Venise qui oscille entre documentaire et fiction, ne compte qu’une comédienne professionnelle (Maryna Klimova dans le rôle de Lyesa) mais en revanche, les 107 vraies mères de la prison d’Odessa !Et cela donne à cette réalisation très esthétique malgré la dureté du sujet, comme un côté pictural d’images de la vie de tous les jours en prison avec en tête, l’espoir de la sortie et la peur du jour nouveau et libre dans un contexte familial qui n’existe plus. La solitude au bout du chemin… pour finir ou recommencer ?

Jean-Pierre Tissier


  *** KOMPROMAT de Jérôme Salle

avec Gilles Lellouche, Joanna Kullig et Mikhaïl Gorevoï. Le résumé. Russie, 2017. Mathieu Roussel est arrêté et incarcéré sous les yeux de sa fille. Expatrié français, il est victime d’un « kompromat », en l’occurrence de faux documents compromettants utilisés par les services secrets russes pour nuire à un « ennemi de l’Etat ». Menacé d’une peine de prison à vie, il ne lui reste qu’une option : s’évader, et rejoindre la France par ses propres moyens… L’intellectuel va devoir se transformer en homme d’action pour échapper à son destin.
« Tous ceux qui n’ont jamais pied un pied, dans un de ces Pays de l’Est frères de l’ex-URSS (Tchécoslovaquie, Hongrie, Roumanie…) voient toujours dans certaines images, des clichés tenaces à la vie dure. Mais pour y avoir passé du temps dans les années 70, pour divers reportages comme le match de Coupe d’Europe de football entre le Dukla de Prague et le FC Nantes de Suaudeau-Budzinski en 1978, puis à Arad près de Bucarest, peu de temps après le renversement et l’assassinat des époux Ceaucescu, je peux attester que l’on est bien content de rentrer chez soi en France, et que ceux qui parlent de dictature actuellement en France auraient bien fait – à l’époque - d’aller y faire un tour... Kompromat avec un époustouflant Gilles Lellouche nous entraine dans une course-poursuite folle avec ses trousses, des service secrets russes peu enclins à la grande poésie de Pouchkine ou de Marina Tsvetaïeva. C’est un vrai thriller palpitant, haletant et très dur parfois comme ces scènes en prison, qui fait passer de la Culture occidentale avant-gardiste – via un spectacle de danse très « gay » en ouverture - à la Culture rude et rurale de la Sibérie avec un public de diplomates et de notables totalement médusé… Et on découvre alors toutes les nombreuses facettes de ces régimes où l’on s’appelle camarade, mais où la critique n’existe pas, malgré la promesse de démocratie, et où la vodka à haute dose ou la tuica roumaine ainsi que la bière permettent d’oublier le manque de liberté. Kompromat est un film puissant qui ne plaira pas à certains, mais il a le mérite, non pas d’enfoncer des portes ouvertes, mais plutôt de défoncer des portes closes, comme on fait ceux qui ont démoli l’odieux Mur de Berlin.

Jean-Pierre Tissier


  *** REVOIR PARIS de Alice Winocour

avec Virginie Effira et Benoit Magimel. Le résumé. Revoir Paris est un film récent sorti en 2022 qui explore les traumatismes des victimes d’un attentat, inspiré par les attentats de novembre 2015 à Paris, et la reconstruction psychique nécessaire qui peut être aidée par la mise en commun de ses souvenirs pour aller au-delà.
« Avec Virginie Effira et Benoit Magimel, Alice Winocour a réuni un couple de cinéma d’une justesse incroyable dans lequel on peut tous se retrouver tant les sentiments, les peurs, les joies et les peines inconsolables à jamais nous semblent innées, familières, personnelles même, sans avoir pour autant connu le bruit terrible saccadé et mortel des balles de Kalachnikov tirées par les terroristes djiadistes, transperçant des corps sidérés, terrifiés, cachés sous des tables et des chaises… Et tout autour, juste après, il reste les vivants. Celles et ceux qui ont été blessés physiquement comme Benoit Magimel ; d’autres pas ou peu comme Virginie Effira et sa seule cicatrice au bas du dos, et qui ne se souvient de rien… Commence alors une rencontre, un retour en arrière via des flashes, de la sueur, du sang et des larmes ; une recherche du passé oublié qui ne revient que par bribes, la vie familiale qui s’érode et disparait… On parcourt Paris, ses rues, sa banlieue, en recherchant celui qui (nous) a tenu la main pendant le massacre des innocents avec pour indice un simple tatouage au poignet. Revoir Paris est un film sur le retour à la vie, mais une vie qui ne sera plus jamais pareille. Les traumatismes invisibles sont les plus difficiles à combattre et les remèdes sont personnalisés. Allez revoir Paris.

Jean-Pierre Tissier

  **** « LES VOLETS VERTS » de Jean Becker

d’après le roman (librement adapté) de Georges Simenon.
« Les Volets verts » voilà un titre de Simenon qui chante comme une chanson de Souchon ou une petite cantate signée Barbara. Eh oui, le père de Maigret n’a pas écrit que des polars. Il avait aussi une plume vagabonde pleine de poésie et de talent, à l’image de ce roman, pourtant sans intrigue, terminé le 27 janvier 1950 à Carmel by the sea en Californie et paru dans la foulée aux Presses de la Cité. Voilà qu’il ressort en Poche pour saluer joliment la sortie du film éponyme de Jean Becker, avec un casting de rêve très « planches de théâtre » : Gérard Depardieu, Fanny Ardant, Fred Testot, Benoit Poolvorde, Anouk Grimberg et la douce Stefi Selma... On se balade ainsi de théâtres mythiques en restaurants légendaires, de bars huppés en hôtels vieux chic british, du Bœuf sur le toit à la Nationale 7 avec un chauffeur nommé Fred Testot qui a fait du chemin depuis le SAV mythique de Canal Plus avec Omar Sy, de Paris au merveilleux Cap d’Antibes dans les années 50, sans nostalgie ni mélancolie, seulement un gros pincement au cœur qui parfois alerte sur l’imminence de la fin d’un destin. Avec ce monstre de force et de tendresse, de jovialité et de rudesse qu’est Gérard Depardieu.
Il n’y a pas vraiment d’histoire, mais on s’en fiche ; la vie se déroule comme le fil d’une chanson. Parfois un couplet revient, pas millimétré pour un sou. Les volets sont verts, la nuit parisienne très noire, froide et plutôt alcoolisée, souvent ! Le temps passe et on grimpe dans la Peugeot de Testot avec un Depardieu las, fatigué, malade, imposant et peu tranquille. Géant et simple, néanmoins, comme si on était invité à la partie de pêche ou au bar du coin… On a même revu avec bonheur, le duo béni de « La femme d’à côté » de François Truffaut, avec une Fanny Ardant éblouissante telle une reine. Les volets sont toujours verts au Cap d’Antibes et la mer toujours bleue, et on y attend toujours quelqu’un… »

Jean-Pierre Tissier


  **** « LES LEÇONS PERSANES » de VADIM PERELMAN

(2 heures) > Le résumé. 1942, dans la France occupée Gilles est arrêté pour être déporté dans un camp en Allemagne. Juste avant de se faire fusiller, il échappe à la mort en jurant aux soldats qu’il n’est pas juif mais persan... En effet, “Les Leçons Persanes” est basé sur une nouvelle de Wolfgang Kohlhaase qui y raconte comment un juif est parvenu à faire croire qu’il était persan. Ce mensonge le sauve momentanément puisque l’un des chefs du camp souhaite apprendre le farsi pour ses projets d’après-guerre. Au risque de se faire prendre, Gilles invente une langue chaque nuit, pour l’enseigner au capitaine SS le lendemain. La relation particulière qui se crée entre les deux hommes ne tarde pas à éveiller la jalousie et les soupçons des autres. « On ressort de ce film littéralement pétrifié, yeux humides et cœur au bord des lèvres, scotché et terrifié devant tant de violence abjecte et planifiée par une idéologie nazie crasseuse, odieuse, et déshonorante pour la race humaine. Et on pense alors à ces « gilets jaunes » et autres « antivax » qui ont l’audace et l’indignité infâme de s’accoler une étoile jaune sur la poitrine pour dénoncer la « dictature » qui sévirait en France actuellement, osant ainsi comparer leur sort à celui de ces pauvres hères marchant dans la neige et le froid vers des clairières où hommes, femmes, enfants et bébés seront fauchés par une rafale de mitraillette tirée dans le dos, ou vers des fours crachant une fumée noire où leur supplice finira en ignominie finale. Comme un champ d’étoiles jaunes teintées de rouge, tels des coquelicots ensanglantés sur la neige immaculée. Les Leçons persanes » montre néanmoins jusqu’où l’homme peut aussi agir dans son cerveau pour vaincre sa peur et imaginer des stratégies de survie incroyables. En imaginant une langue persane (le farsi) dont il ne connaît pas un seul mot, Gilles crée et fabrique de toutes pièces un Esperanto fait de milliers de mots qu’il va devoir insérer dans son disque dur cérébral – et se souvenir au risque d’être démasqué - en s’inspirant de la longue litanie des noms de prisonniers inscrits sur les registres du camp. Et qui eux-aussi, tels des autodafés, finiront dans les flammes pour ne pas laisser de traces, avant l’arrivée des Américains. Nahuel Pérez Biscayart (Gilles) et Lars Eidinger (l’officier SS responsable du camp de transit) sont prodigieux dans ces rôles d’une dureté malsaine, où parfois un nuage de poésie traverse l’instant, comme le passage furtif d’une lueur d’humanité, mais ça ne dure jamais ! Les idéologies de ce type ont la vie dure et la fuite du SS vers des paradis d’Asie ou d’Amérique du sud reste toujours l’échappatoire pour ces barbares au cœur de pierre… Un très grand film dont on ne ressort pas indemne, et qui donne à réfléchir sur la nature humaine. »

Jean-Pierre Tissier


 MAIS AUSSI

Un problème technique nous empêche actuellement de retrouver nos anciens comptes-rendus de visionnage de films. et de concerts. Nous sommes à leur recherche.